mardi, mars 19, 2024

Sanction de la SONATEL : et si l’ARTP s’attaquait aux vrais problèmes ?

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Il y a un peu moins d’une décennie, en janvier 2007, l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) infligeait une première amende d’un montant de 3 milliards 196 millions 800 mille francs FCFA à la SONATEL pour non-respect de son cahier des charges. A l’époque, l’ARTP reprochait à la SONATEL des interruptions répétées et prolongées du service de son réseau mobile, dysfonctionnements qui n’avaient pas cessés malgré les mises en demeure du régulateur.

Suite à un recours introduit par l’opérateur historique, le Conseil d’Etat prononcera d’abord un sursis à exécution avant de confirmer la sanction par un arrêt en date du 8 août 2007. Ne s’avouant pas vaincue pour autant, la SONATEL saisira la Cour suprême pour demander le rabat de l’arrêt du Conseil d’Etat mais elle sera finalement déboutée de sa requête en septembre 2009 et devra s’acquitter de la sanction infligée.

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Le 14 juillet dernier, voulant sans doute faire sa fête à sa manière à l’opérateur dont la majorité du capital est détenue par France Télécom, l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) a infligé une autre amende d’un montant record de 13 milliards 959 millions FCFA à la SONATEL, correspondant à 3% de son chiffres d’affaires 2015, pour violation du droit à l’information des consommateurs. Concrètement, l’ARTP reproche à l’opérateur historique de ne pas avoir respecté le principe de gratuité complète des appels vers son service-client et d’avoir eu recours à un serveur interactif permettant de filtrer les appels des clients vers le service client commercial ou technique, en violation du décret n° 204-770 du 14 juin 2014 précisant certaines obligations quant au droit à l’information des consommateurs.

Alex-Corenthin-Nic-Senegal

Alex-Corenthin-Nic-Senegal

La SONATEL a de nouveau contesté cette sanction et exprimé son intention de faire un recours hiérarchique, possibilité qui a été d’emblée rejetée par l’ARTP. Sans remettre en cause le bien-fondé de la décision du régulateur, il nous semble important de souligner que les problèmes majeurs rencontrés par les consommateurs des services de télécommunications se situent sur d‘autres plans que celui du droit à l’information.

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Le chantier prioritaire auquel devrait s’attaquer le régulateur est celui de la tarification des services téléphoniques afin que cessent les promotions à répétition dans le cadre desquelles les consommateurs peuvent se voir offrir jusqu’à 300% de bonus. Il serait plus sain que les opérateurs de téléphonie se voient obligés d’appliquer la vérité des prix et baissent leurs tarifs en conséquence plutôt que de se livrer à ce qui ressemble fort à un jeu de dupes.

De plus, l’ARTP devrait interdire la pratique abusive consistant à limiter la durée de validité des recharges de crédit téléphonique. Il n’est en effet ni fondé techniquement ni acceptable moralement, dans l’environnement économique et social qui est le nôtre, que l’on fasse payer au client un service qu’il n’a pas utilisé. Autre question critique, celle de la couverture des réseaux de téléphonie mobile.

Là encore, le régulateur devrait être un peu plus regardant sur la couverture effective du territoire par les opérateurs de téléphonie mobile car dans de nombreuses zones du pays, les abonnés ne disposent même pas d’une couverture 2G correcte à l’heure où les campagnes publicitaires ne cessent de nous vanter les mérites de la 3G et de la 4G.

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Last but not least, l’ARTP devrait veiller à encadrer un peu plus sérieusement la commercialisation des liaisons ADSL quand on sait que l’offre actuellement proposée se résume à des débits ridiculement faibles, trompeusement présentées comme permettant de bénéficier du « haut débit » et facturés de surcroît au prix fort ! Pire, ces liaisons sont de piètres qualité et les débits rachitiques annoncés rarement au rendez-vous. C’est sur ce terrain de la qualité de service des produits et services de télécommunications que les consommateurs attendent de voir l’ARTP jouer effectivement son rôle et non sur des questions anecdotiques qui remplissent certes les caisses de l’Etat mais les laissent totalement impuissants face aux opérateurs

Alex Corenthin
Secrétaire aux relations internationales

osiris.SN