samedi, avril 20, 2024

Traçage numérique: 2 % des Français ont activé l’application StopCovid

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Lancée il y a une semaine, l’application de traçage StopCovid continue d’animer la polémique sur son utilisation par la population française. Actuellement, elle compte 1,4 million d’activations selon les information du cabinet de Cédric O, le secrétaire d’Etat chargé du numérique.

Où en est StopCovid, l’application française de suivi des cas contacts, une semaine après son arrivée sur les magasins d’application de Google et d’Apple ? Censée identifier les personnes côtoyées par son utilisateur afin de leur notifier si ce dernier est malade du Covid-19, cette application a été l’objet de polémiques, notamment sur la facilité de son adoption par une majorité des Français.

En une semaine, 1,4 million activations de l’application ont été effectuées,précisait au Monde, mardi 9 juin, le cabinet de Cédric O, le secrétaire d’Etat chargé du numérique. Ce chiffre, qui représente environ 2 % de la population française, correspond au nombre de fois où les utilisateurs ont téléchargé StopCovid, ouvert l’application, puis cliqué sur le bouton « J’active StopCovid » après l’avoir autorisé à utiliser le système Bluetooth du smartphone – la technologie qui sert à détecter les téléphones à proximité.

Une campagne de communication bientôt lancée

Ce chiffre a de quoi décevoir : à titre de comparaison, l’application de suivi de cas contacts australienne avait été téléchargée par 8 % de la population en 24 heures. Son équivalent norvégien avait, lui, été téléchargé en une semaine par plus d’un quart de la population, selon les chiffres publiés quotidiennement par l’Institut norvégien de santé publique. Même si les scientifiques estiment qu’une telle application peut avoir une utilité dès les premiers téléchargements, il faudrait à StopCovid un taux d’adoption bien supérieur pour que celle-ci soit tangible.

Au secrétariat d’Etat, on ne veut tirer aucune conclusion sur le succès de StopCovid à ce stade. Mais plusieurs explications sont avancées : la croyance de certains Français en la fin imminente de l’épidémie de Covid-19, alors que le déconfinement s’accentue ; le fait que la campagne de communication prévue par le gouvernement n’a pas encore été complètement lancée ; ou encore, la volonté des Français de protéger leurs données personnelles.

Lire aussi: Faut-il avoir peur des applications de traçage Covid-19 ?

La campagne de communication en question, qui démarre tout juste, ciblera « les lieux à forte densité dans les transports en commun », fait-on savoir au cabinet de Cédric O. Elle comportera notamment des panneaux numériques dans les transports en commun, des spots radio et des publicités sur les réseaux sociaux.

350 000 utilisateurs actifs évoqués par des chercheurs

Si le nombre d’activations de l’application est central, un autre chiffre est crucial pour jauger de l’efficacité de StopCovid : celui du nombre d’utilisateurs actifs, c’est-à-dire de smartphones sur lesquels l’application est active quotidiennement, et qui peuvent enregistrer les smartphones à proximité immédiate. Après avoir activé l’application, un utilisateur peut en effet la désactiver. L’application peut aussi être en sommeil si elle n’est pas ouverte régulièrement, en particulier sur les iPhone. Le secrétariat d’Etat au numérique ne dispose pas de cette donnée pour le moment. Contacté, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria), qui a piloté le projet, renvoie vers le secrétariat d’Etat.

Plusieurs experts indépendants sont cependant parvenus à une estimation de ce nombre. Ils ont profité du fait que, lorsqu’elle est activée, StopCovid dialogue régulièrement avec plusieurs serveurs centraux. Les données,accessibles dans un premier temps librement, ont ainsi permis aux experts dedéterminer le nombre d’applications dialoguant, chaque minute, avec le serveur. Le nombre obtenu, qui varie selon les calculs effectués, se situait en fin de semaine dernière aux alentours de 350 000, selon trois experts interrogés par Le Monde.

Après que ces derniers ont publié le résultat de leurs recherches sur Twitter, l’outil a été reconfiguré de manière à ce qu’il ne renvoie plus d’informations de cette nature. Ces 350 000 utilisateurs actifs représentent environ 0,5 % de la population française : à titre de comparaison, environ 11 % des Norvégiens utilisent activement l’application nationale de suivi de cas contacts, lancée trois semaines avant son homologue française.

Un critère d’« efficacité »

Ces premiers chiffres de StopCovid sont très modestes, mais il est encore un peu tôt pour en tirer des conclusions sur son efficacité. Tout d’abord parce que certaines zones peuvent avoir un taux d’adoption supérieur à la moyenne. Des sondages vont être entrepris pour jauger l’adoption de StopCovid dans certaines zones urbaines denses, là où le gouvernement espère que l’application aura le plus de succès et sera, promiscuité oblige, le plus efficace.

Ensuite, car certaines données cruciales manquent : le nombre de notifications envoyées par l’application, le nombre de tests effectués à la suite de ces alertes et la proportion, dans ces tests, de résultats positifs ou négatifs. Le secrétariat d’Etat renvoie, pour les questions d’ordre sanitaire, à la direction générale de la santé (DGS), laquelle n’a pas donné suite à nos sollicitations.Lire aussi  StopCovid : qui est pour l’application de traçage, qui est contre et pourquoi

La question de l’efficacité n’est pas anodine : la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), le gendarme des données personnelles, a expliqué dans ses deux avis concernant StopCovid que la légalité du dispositif dépendait, notamment, de ce critère. La loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire est à l’origine de la création d’un « comité de contrôle et de liaison Covid-19 ». Composé d’experts de la santé et de quatre parlementaires, il doit justement se pencher sur « l’apport réel des outils numériques » contre la crise sanitaire.

100 000 euros par mois, selon Bercy

Avec la mise à disposition de l’application se pose également une nouvelle question : celle de son coût pour l’Etat. Jusqu’à son lancement, ce dernier n’a rien eu à débourser directement pour StopCovid. Cette dernière a été développée à la fois par des fonctionnaires et des salariés d’organismes publics, mais aussi par des entreprises privées travaillant bénévolement.

Désormais, les entreprises vont être rémunérées. Au cabinet de Cédric O, on estime aujourd’hui le coût mensuel à environ 100 000 euros, prélevés sur le budget de l’Etat. « Il n’y a donc pas d’enjeu de coût financier. D’abord, parce que la santé n’a pas de prix. Ensuite, parce que ce montant est epsilonesque par rapport aux coûts et aux effets délétères évités d’une admission en réanimation par exemple », avait déclaré Cédric O le 27 mai à L’Obs.Lire aussi  Faut-il ou non installer « StopCovid » ? Le débat résumé en une conversation SMS

Il s’agit principalement, explique-t-on à Bercy, des frais de gestion et d’entretien du serveur sécurisé, confié à 3DS Outscale, filiale du groupe Dassault spécialisée dans l’hébergement sécurisé. Le chiffre est pourtant plutôt élevé par rapport à ceux du marché. Sollicité, 3DS Outscale n’a pas souhaité répondre à nos questions. Capgemini, qui a participé au développement de l’application et devrait continuer ses travaux, non plus.

Le cadre légal définitif encadrant le futur, notamment financier, de StopCovid n’est en fait pas encore totalement fixé. Il devrait l’être dans les prochains jours : une convention va être signée entre l’Inria et la DGS, qui est le gestionnaire légal de StopCovid. En attendant,L’Obs révèle mercredi que l’association de lutte contre la corruption Anticor a signalé la situation au parquet de Paris, craignant « un risque de surfacturation » en l’absence de marché public. « L’application StopCovid, qui a été développée gratuitement, coûte en revanche plus de 200 000 euros d’hébergement. Un prix très supérieur aux pratiques du marché. Anticor a saisi le parquet national financier », annonce l’association sur Twitter – se fondant sur des estimations de coût publiés dans L’Obs, évoquant des sommes allant de 200 000 à 300 000 euros par mois.

Avec Le Monde