dimanche, novembre 3, 2024

Recrutement de personnels de maison: Des agences de placement pour trouver la bonne

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  Le recrutement de bonne, nounou, femme de ménage, cuisinière ou encore lingère n’échappe pas à la modernité. Si aller dans les points de rassemblement a encore le vent en poupe, ce secteur informel connait un nouvel essor grâce à l’émergence d’agences de placement.

Le rond-point Liberté 6 est célèbre pour être un lieu de commerce. Mais, il est aussi un point de convergence des domestiques, lingères, nounous ou encore cuisinières en quête de travail. Assises sur des bancs non loin de la station-service, elles attendent, tous les jours, leur futur employeur. Dix, vingt ou peut-être cinquante, il est difficile de faire le décompte exact de ces âmes besogneuses en quête de mieux-être. Venues des quatre coins du Sénégal, ces femmes sont regroupées en plusieurs groupes. Certaines ont même leurs bagages à côté, prêtes pour l’emploi.

Daba Sène vient de Fissel Mbadane (département de Mbour). Le corps frêle, le regard hagard, la jeune femme semble être perdue devant tout ce monde pour une raison bien particulière. « Je viens ici pour la première fois », dit-elle, jouant nerveusement avec ses doigts. La femme de 19 ans a rejoint ce site grâce à sa cousine. « Je suis venue avec elle dans l’espoir de trouver du travail pour subvenir aux besoins de ma famille », dit-elle.

Elle n’en rajoutera pas plus. Ici, il n’est pas question de papoter en toute quiétude avec ces filles sans passer par Seydou Samaké. Le quadragénaire veille au grain. Muni d’un stylo et d’un cahier, il gère son business d’une main de maître. Il ne tarde pas à venir se mêler à la discussion. Il s’occupe du placement des filles pour des postes de femmes de ménage, de nounous, lingères ou encore de cuisinières. Evoluant dans le métier depuis une dizaine d’années, il est difficile de tenir une conversation avec M. Samaké. Les appels fusent de partout. Son téléphone ne cesse de sonner.

Une organisation précaire

Seydou accepte de parler de sa profession après quelques minutes de négociations. « Je suis établi à Liberté 6 depuis plus de dix ans. Mais, nous n’avons pas d’aide de la part des autorités », se désole-t-il. Ce dernier a hérité ce travail de son père. Le business fonctionne très bien. Tous les jours, elles font appel à lui pour un emploi. « La jeune femme fournit quelques renseignements sur ses parents ou son tuteur et nous présente sa pièce d’identité. Faute de cela, elle nous donne le contact de ses proches comme garantie », renseigne-t-il.

Seydou Samaké se charge ensuite de discuter avec l’employeur qui donne 5000 FCfa ou plus et son adresse. « Nous plaçons plus de 500 filles par mois. Mais, nous ne sommes pas dans les meilleures conditions. Ce n’est pas normal de devoir entasser les filles ici, cependant nous n’avons pas beaucoup de choix », regrette-t-il. « Ce n’est vraiment pas présentable comme lieu », renchérit Soda Thiam, tout en relevant que ces femmes peuvent être exposées à de nombreux risques. La quinquagénaire gère une boutique de vente de tissus et a pris l’habitude de venir à Liberté 6 pour trouver une bonne. La résidente de Sacré-Cœur 3 a établi un rapport de confiance avec Seydou Samaké et fait appel à lui. Aujourd’hui, elle sollicite ce dernier pour deux lingères. Cependant, la commerçante affirme ne pas aimer venir dans ce lieu et juge qu’il doit être mieux organisé.

Des agences de placement pour une structuration

Safy Sène et Abdou Thiam ont tous les deux ouvert une agence de placement de personnels de maisons. Comme Seydou Samaké, ils proposent les mêmes services. Mais à quelques différences près. Les deux entrepreneurs apportent une nouvelle donne à ce secteur informel. Ils reçoivent les demandeurs dans leurs agences et servent d’intermédiaires entre employé-employeur.

« L’agence fait l’entretien téléphonique avec la candidate, puis l’entretien physique avant de proposer le profil à l’employeur », explique Safy Sène. « Nous veillons à ce qu’elles soient respectueuses, dignes de confiance et munies de leur pièce d’identité nationale », informe la propriétaire de l’agence « Gneweul job ». Il en est de même pour Abdou Thiam qui demande aux employées une pièce d’identité, le numéro de leur tuteur et des entretiens téléphoniques.

Safy Sène et Abdou Thiam tiennent à la « réglementation » et proposent des contrats. « Le recrutement se fait sous contrat aussi bien pour l’employeur que l’employé. La mise en placement est une prestation de services pécuniaire », renseignent-ils. « L’employeur verse 10.000FCfa à l’entreprise et l’employée donne 5000FCfa une seule fois à la fin du mois », informe Safy Sène. A l’agence Thiam Emploi de Abdou Thiam, l’employeur donne 10.000 FCfa et la femme de ménage donne 10 % de son premier salaire », a fait savoir M. Thiam.

Ces agences veulent « apporter une nouvelle donne » au recrutement de personnels de maison. « Nous voulons que ces travailleuses puissent un jour avoir elles aussi des contrats avec leurs employeurs avec des prises en charges médicales », espère Safy Sène, tout en plaidant pour plus de soutien. Abdou Thiam embouche la même trompette. Il estime que ce système de placement de personnels de maison est beaucoup plus moderne, plus sûr et plus rapide et mérite l’appui des autorités pour plus de contrôle, une meilleure structuration et une meilleure régularisation. « Nous avons même une association mais il nous faut plus de soutien », regrette-t-i

EL HADJI MAMADOU FALL, FONDATEUR DE L’ASSOCIATION NATIONALE DES AGENCES DE PLACEMENT ET DE RECRUTEMENT DU SENEGAL

« Notre objectif est qu’il n’y ait plus de travailleuses dans les rues »

L’Association nationale des agences de placement et de recrutement du Sénégal (Anaprs) est née en 2023. « Elle est le fruit de notre volonté de faire entendre nos voix et faire valoir nos droits. Notre objectif est qu’il n’y ait plus de travailleuses dans les rues », a expliqué El Hadji Mamadou Fall. L’association milite pour le respect de leurs droits. « Nous apportons un soutien et un accompagnement à  ces travailleuses. Nous organisons également des formations sur nos droits et sollicitons des juristes pour les défendre au mieux », a fait savoir le propriétaire d’une agence de placement.

« Anaprs a la possibilité de partager des profils de femmes de ménage qui nécessiteraient une formation préalable avant leur insertion », renchérit M. Fall. Cette collaboration permet d’assurer « la qualité des services » offerts tout en offrant des opportunités d’emploi à ces femmes.

Une nouvelle donne avantageuse

« J’allais à Liberté 6 pour trouver du travail. Une amie m’a ensuite parlé d’une agence de placement de personnel. C’est très bénéfique car je collabore avec une personne de confiance depuis plus d’un an », confie Diarra Diouf. La femme de 22 ans a pu trouver un emploi sûr. A l’en croire, l’agence l’a toujours mise avec des employeurs de confiance. « Ils sont à l’écoute et veillent sur moi. Une fois par mois, ils m’appellent pour s’enquérir de ma situation », dit-elle guillerette.

La satisfaction est aussi au rendez-vous du côté de Ndoumbé Faye. Cette directrice d’école a fait appel à une agence de placement. « C’est une connaissance qui m’a mise en rapport avec la fondatrice d’une agence. Elle m’a mis en relation avec trois filles qui sont toujours avec moi. L’une s’occupe de la maison et les deux autres m’aident à l’école », dit-elle. Des travailleuses qui donnent satisfaction avec de très bonnes habitudes, d’après M. Faye. Corka Ndiaye Ndour est la présidente de l’Addad-Sénégal (Association de défense des droits des aides ménagères et domestiques du Sénégal). Cette association sous-régionale basée au Mali est actuellement dans  10 pays (Mali, Burkina  Faso, Togo, Benin, Côte d’Ivoire, Guinée, Sénégal, Gambie, Ghana et Mauritanie). La présidente soutient que les agences sont « une bonne chose » et peuvent être un atout si elles sont formalisées. Comme quoi, la réforme a du bon !

ARAME NDIAYE, Le Soleil