jeudi, mars 28, 2024

Abidjan – 3e Sommet /AfricTivistes : Discours du Président Cheikh FALL

0 commentaire

Le 3e sommet d’Africtivistes s’est tenu à Abidjan cette Année. Socialnetlink vous propose in extenso, le discours de son président Cheikh Fall, prononcé devant les participants issus de plusieurs pays d’Afrique.

Chers hôtes ivoiriens,

Chers invités,

Chers AfricTivistes,  

En novembre 2015, nous nous sommes réunis à Dakar, dans la capitale sénégalaise, pour porter ensemble des idéaux de changement reposant sur des valeurs communes d’innovation, d’entraide, de partage, de soutien mutuel et de don de soi. Nous venions de commencer et il fallait trouver des réponses à la restriction de l’espace civique ainsi que les menaces qui pèsent sur les activistes pro-démocratie.

En juin 2018, nous nous sommes réunis à Ouagadougou dans la capitale Burkinabé, pays du très inspirant Thomas Sankara. Ce fut une occasion pour nous de tendre la main aux autorités politiques. Nous avions eu l’honneur de recevoir le Président du Faso, Monsieur Roch Marc Christian Kaboré à qui nous avions fait passer un message à l’encontre de ses homologues africains afin qu’ils cessent de considérer les activistes pro-démocratie comme des opposants politiques. Durant ce deuxième Sommet de Ouaga2008, nous avions pris l’engagement d’être de nouvelles forces de contribution. 

Aujourd’hui, nous portons plusieurs projets numériques dont le Local Open GovLab. Pendant que nous lancions ce troisième Sommet, 7 membres de l’organisation aux compétences diverses sont actuellement déployés dans 7 collectivités locales de la sous-région pour mettre en œuvre notre parcours assisté à la Gouvernance Locale Ouverte.

Ils ont laissé derrière eux famille et travail pour se consacrer pendant 6 mois au service d’une commune. Ils vont assister les maires, former les équipes municipales, déployer des solutions numériques de gouvernance locale et redynamiser les cadres de concertation citoyenne. 

C’est cela le sens de notre engagement car j’ai la conviction que si de jeunes africains grandissent dans un environnement de gouvernance locale ouverte, à leur maturité citoyenne, ils auront une relation différente avec l’administration publique et avec la démocratie. Le projet Local Open GovLab (LOG) associe à la fois, une réponse à une demande locale, administrative et une politique d’aide à l’insertion professionnelle par le biais du numérique.

Je voudrais ici rendre un vibrant hommage et remercier ces Volontaires AfricTivistes pour ce don de leur temps, de leur savoir, de leur énergie et pour tous les sacrifices qu’ils acceptent de supporter afin de servir leur continent. 

Chers invités, 

Chers AfricTivistes, 

Je ne pourrais m’adresser à vous ce matin sans une pensée pieuse à toutes ces vies emportées par la Covid-19. Si 2020 nous renseigne sur l’incapacité du monde à faire face à une pandémie virale, chez AfricTivistes, elle nous aura enseigné sur l’incertitude des agendas programmatiques. Rien de tout ce qui a été planifié n’a été exécuté dans les conditions prévues, y compris ce Sommet qui devait se tenir à Nairobi. 

Devenue une véritable force de proposition, AfricTivistes a su développer une bonne partie de ses projets grâce au digital comme outil et champ d’action. Surtout que le numérique a été pendant tout ce temps la solution idoine pour bon nombre d’organisations, en tant qu’outil de gouvernance et de gestion. 

Sans internet, le monde ne se serait pas organisé pour apporter des réponses articulées et adaptées. Sans internet et les smartphones, l’Afrique aurait vécu 2020 d’une autre manière. 

C’est par la mobilisation et le volontariat que des centaines de jeunes africains ont contribué à la riposte contre la crise sanitaire. Cette vague déferlante d’initiatives sociales et de projets citoyens portés par de jeunes en réponse à la pandémie est une preuve que le numérique et internet ont servi de catalyseur pour porter le continent.

Ce continent que nous aimons et chérissons tant. Nous l’avons hérité de nos parents et grands-parents mais nous l’avons aussi emprunté à nos fils et petits-fils. Nous avons cette responsabilité de l’entretenir et de le rendre meilleur en le léguant à nos petits enfants.

Notre cher continent a traversé beaucoup d’étapes et il en a raté plusieurs. C’est pourquoi, il est temps qu’on tire sur la sonnette d’alarme pour que cette nouvelle opportunité qu’est la révolution numérique ne nous passe pas sous les yeux. 

Ce continent a raté plusieurs fois la chance de bâtir une véritable unité africaine. Il a connu des leaders forts et à la vision fédératrice mais notre difficulté à toujours résidé dans notre capacité à s’entendre sur l’essentiel. Nos pays ont accédé à l’indépendance dans la dispersion et cela a réduit à néant les projets d’une unité. 

Il est clair qu’aujourd’hui, la plus grande faiblesse de l’Afrique réside dans sa désunité et dans notre incapacité à aborder ensemble les enjeux de l’heure et à proposer des solutions efficaces, adaptées en préservant les intérêts du continent.

Nous avons hérité d’un continent riche mais FAIBLE sur le plan politique. Faible sur le plan de la vision économique, désuni sur le plan des idéaux et dispersé dans nos ambitions. 

Nos maux d’hier constituent nos fardeaux d’aujourd’hui. Nos tares d’hier nous font subir les 3 précédentes révolutions industrielles qui ont façonné le monde. Nous avons regardé les autres faire et nous dépendons de leur technologie. Aujourd’hui, nous risquons de subir cette révolution numérique si nous commettons les mêmes erreurs. 

Plus de 130 ans après le partage systématique de l’Afrique par les puissances coloniales, le continent affiche une toute nouvelle carte aux couleurs des supers puissances du numérique

Nous dépendons de dons de matériels informatiques pour nos administrations. Nous subissons l’alimentation en haut-débit de nos villes. Nous courons toujours derrière la connexion en fibre optique. Nous attendons la fourniture effective en réseau 3, 4 ou 5G. 

Nous confions la construction et l’équipement de nos data-center aux puissances étrangères. Notre continent est en train d’être partagé à nouveau sous nos yeux et regards impuissants. Nous sommes en train de créer une nouvelle dépendance. 

Que propose l’Afrique sur la table des discussions sur la gouvernance d’internet ? Que proposent nos autorités politiques comme réponse dans un monde où les principaux enjeux tournent autour de l’économie numérique, autour des droits et législations du cyberespace ou de la démocratie participative. Notre capacité collective à prendre à bras le corps les challenges du numérique est faible et souffre d’une volonté commune.

Dans une telle configuration, le continent perdrait toute son indépendance et sa souveraineté numérique et se ferait recolonisé dans un futur proche. D’où la nécessité d’un réaménagement du territoire numérique africain s’appuyant sur des ressources, sur des infrastructures et sur des usages locaux. 

Le développement d’Internet a eu lieu grâce à des principes de générosité, de partage, de don de soi, de bénévolat et une culture d’amour de l’autre et de son développement. Sans générosité, nous resterons que de simples consommateurs et jamais des forces de propositions sur la scène internationale.

Nous ne devons plus être simples spectateurs et éternels consommateurs. Nous devons peser de tout notre poids sur ce rendez-vous du numérique et cela nous ne le ferons pas seuls en tant qu’acteurs de la société civile. 

Cela relève d’une démocratie participative, d’une démarche inclusive. Cela demande bien sûr de la collaboration mais surtout une co-construction entre les autorités publiques, les autorités de régulation, le secteur privé et la société civile

Qui est celui qui portera les combats pour tous ces défis ? Aucun de nos pays ne pourra les affronter seul. Encore une fois, nous avons rendez-vous avec l’histoire. Nous devons choisir d’affronter cette transformation numérique ou de la subir. 

Je vous invite chers participants, chers AfricTivistes, à nous unir davantage pour qu’ensemble nous puissions à travers la Déclaration d’Abidjan, faire de fortes propositions et inciter nos Etats à prendre garde aux risques liés à la perte de la souveraineté numérique ainsi qu’aux cyber-menaces qui pourraient nous guetter. 

C’est aussi une occasion pour nous AfricTivistes d’aider à orienter les politiques publiques sur des règles d’éthique et d’accompagnement structurel de cette transformation digitale.

Je ne pourrais terminer sans vous renouveler à mon nom et au nom du comité d’organisation, mes sincères remerciements d’avoir accepté de prendre part à ce troisième Sommet. 

Akwaba et très bonne session

Cheikh Fall

Président, AfricTivistes