samedi, avril 27, 2024

Shula Ndiaye : « je veux développer un modèle d’entrepreneuriat féminin dans le secteur culturel»

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Depuis près de dix ans, Shula Ndiaye de son vrai nom Ramatoulaye Ndiaye, sillonne les routes du Sénégal et internationales avec son groupe Ramatouband dans le cadre de son Shula Acoustic Tour, un évènement inscrit depuis dans l’agenda culturel du Sénégal

Avec le chanteur mauritanien CTD, vous avez enregistré un titre qui prône la paix dans les communautés intitulé SALAM: comment est né ce projet et pourquoi ce thème?

Oui  CTD (DIAMANT NOIR) est un artiste engagé que j’apprécie beaucoup, c’est un rappeur d’origine mauritanienne basé en France avec qui j’ai collaboré sur la chanson SALAM dans son dernier album sorti en 2016.

En effet, je travaille depuis un certain temps sur la réalisation d’un projet international et socioculturel appelé JÁMM (La Paix) dont mon album solo fera partie, ainsi que la tournée Shula Acoustic Tour et d’autres surprises en préparations. Pour annoncer la couleur et continuer mon humble plaidoyer pour la promotion de la paix dans le monde, j’ai invité CTD à présenter au public de mon pays le fruit de notre collaboration qui est le duo SALAM, ce, en plus de mon single  « JAMMI REW » (paix d’un peuple) et « YOW SENEGAL » qui sort sous peu et dont les messages respectifs sont actuels et invitent à la paix et au dialogue . 

Aussi, après les tensions sociales observées dans le contexte sociopolitique très difficile que le Sénégal  vient de traverser, il est de notre devoir de porteur de voix, d’adopter une posture claire et fédératrice pour tout apport à savoir culturel pouvant participer à apaiser les cœurs et les esprits.  Mon souhait en tant qu’artiste est de continuer dans mon rôle de régulateur social surtout que le Sénégal a toujours été cité en exemple dans le reste du monde. L’art doit continuer à participer positivement aux transformations sociales et surtout participer au réveil.

Vous avez également initié le projet musical Jammi Rew avec l’enregistrement d’un titre Jammi Rew.  Pouvez-vous revenir sur ses enjeux?

« JAMMI REW » est sortie alors que je me préparais à participer à  un forum mondial sur le statut et les conditions de la femme dans le monde à Segovia (Espagne) en 2012. Et vu que nous étions dans un  contexte politique très tendu à l’époque (les élections présidentielles) j’ai débuté et présenté le projet au Sénégal, avant de poursuivre le plaidoyer partout où je me produis jusqu’à nos jours et cela continue. En Afrique, nous avons nos propres mécanismes et réalités culturels qui peuvent inspirer l’artiste et ce sont des ressorts sur lesquels nous puisons souvent pour les sorties de crises,  par exemple : le cousinage à plaisanterie (Kal), on nous rappelle souvent que le Sénégal est « Un et indivisible » (Sénégal benn bopp la kenn munu ko xar niar) ou  des valeurs et notions telles que le « Sens de la concertation et du dialogue » (Di Pencco, Di Disso) etc.

Une culture de la paix bien ancrée dans notre éducation. Mais cela suffit-il toujours à l’ère du numérique et de l’évolution de l’activisme chez les jeunes ? Finalement, la paix est devenue quelque chose qui se crée.  Un comportement. Ma conviction est que c’est que dans la paix et la cohésion que nous pouvons  bâtir ensemble  et avancer et j’en ai profité pour inviter la jeunesse africaine qui a toujours eu une conscience citoyenne à toujours prendre en compte l’impératif paix pour le développement de notre continent.  Cette jeunesse qui entreprend où on ressent dans ses expressions multiples (positives, comme violentes), dans ses dénonciations pour plus de respect des droits humains, de la démocratie dans nos pays, plus de volonté politique sur les questions d’éducation, de formation et d’emploi des jeunes : un réel besoin d’aller de l’avant. C’est d’ailleurs la raison qui justifie le thème du Shula Acoustic Tour : Paix et développement local, quelle mission pour les femmes et les jeunes ?

Je compte mettre l’art que j’exerce au service de la transformation sociale. La musique comme véhicule de la conscience historique et vecteur de messages progressistes est le canal par  lequel nous comptons remplir notre mission générationnelle dans l’effort collectif de construction nationale quelles que soient les convictions politiques, ethniques, religieuses, économiques etc. JAMMI REW rappelle tout cela.

Depuis plus de dix ans, vous sillonnez les routes du Sénégal dans le cadre du Shula Acoustic Tour. Après une décennie, quel bilan tirez-vous de cette initiative?

Ah … l’expérience en valait le détour.  Etre engagé est une chose mais aller vers les populations pour mieux prendre en compte leurs préoccupations quelle que soit la zone géographique,  s’imprégnant des réalités sociales est tout autre chose. L’art au service du développement et surtout communautaire est notre créneau.   Le  Shula Acoustic  Tour ou SAT est ainsi une scène itinérante qui fait la promotion des arts et des cultures initié  depuis le 21 juin 2010, dans ma ville natale Rufisque. Un concept multidimensionnel qui nous permet d’allier musique, actions humanitaires sociales et échanges artistiques.  

Cette initiative socioculturelle s’est voulue citoyenne, participative, et m’a permis de revisiter et valoriser le patrimoine culturel (Traditionnel)  de mon pays, de l’Afrique et de les promouvoir sur des scènes d’ici et d’ailleurs, à  travers l’univers musical et artistique que je propose qui est l’AFRO/FOLK – ACOUSTIC.  Les distinctions et opportunités acquises durant son itinéraire certes pas facile mais pas impossible ont été sources d’encouragements. Mais le plus important est comment la jeunesse a su nous soutenir depuis nos débuts, et  surtout la ‘TransMISSION’ qui est donc le sens condensé de tous les objectifs de ce projet qui est un moment privilégié pour transmettre les valeurs du legs à travers le dialogue fécond entre les générations dont l’objectif est de permettre aux jeunes générations de réhabiliter la conscience historique africaine et remplir pleinement leur mission contemporaine.  

Le SAT est donc  un modèle d’entreprenariat féminin dans le secteur culturel et nous souhaitons le leadership également. Nous avons une structure de promotion des arts et des cultures appelée SM EVENTS qui nous a permis avec des partenaires entre autres institutionnels et médiatiques,  de réaliser beaucoup de projets et  programmes à court, moyen et long terme dont JAMM(la paix) et sa tournée nationale et internationale, l’hymne à l’enfance  « JAPPALE XALEYI » (Appui à l’enfance) en cours de  réalisation en collaboration avec la direction de l’éducation surveillée (Ministère de la justice), le projet « COME TO ME » pour célébrer le travail des personnels soignants du monde entier et les chirurgiens dans ce contexte difficile de crise sanitaire mondiale  (Covid19) en collaboration avec la plateforme scientifique PONSIST basée à Dubaï,   un film documentaire sur notre itinéraire, un studio d’enregistrement en chantier, et j’en passe. Notre vision de l’art est symbolisée par l’amarante RAMATOU (PICC RAMATOU), oiseau qu’on dit de bon augure, connu pour sa persévérance à bâtir son nid. En plein vol il inspire au voyage tel la musique qui n’a justement pas de frontières. Aujourd’hui le SAT a aussi intégrée le digital pour mieux s’adapter au contexte actuel dictée par la pandémie. Un bilan de mi-parcours satisfaisant mais « The sky is the limit », notre ambition est immense pour participer au rayonnement culturel du continent. On tente juste de jouer notre petite partition du mieux que nous pouvons.

Shula  Acoustic Tour c’est un aussi la promotion du social avec une part belle réservée aux actions des femmes. Quel est leur rôle dans votre vision de la culture?

Les femmes sont très actives et sont déjà promues dans nos pays, l’enjeu pour mieux faire évoluer sa condition est d’abord la préservation de ses acquis, et œuvrer à leurs progrès.  

 J’ai souhaité une  preuve par l’exemple à travers ma propre expérience du Shula Acoustic Tour que d’abord l’éducation, la formation  est une nécessité, la fille si elle est  outillée et bien encadrée tôt, peut  devenir cette femme productive économiquement, Le  plaidoyer permanant sur la scolarisation et le maintien des filles a l’école (JANGUM JIGUEEN) que je mène depuis 2006 en est un exemple.  Seulement la réalité est que  les femmes quel que soit le statut  social sont déjà prédisposées a toujours trouver un moyen d’entreprendre, soit pour soutenir leurs progénitures soit pour s’organiser entre elles et créer des activités créatrices de revenus  pour participer et organiser sa vie sociale en communauté. Donc outillée, renforcées et capacités, l’impact sera hautement perceptible socialement et économiquement. 

En tant que femme de culture, je  vois la femme comme un potentiel non négligeable sur tous les plans.  Qu’elle est vectrice et motrice  de paix sociale de par son rôle depuis  la cellule familiale jusque dans les plus hautes instances de décisions. A ce titre  le concept « FEEMU JIGUEEN CI WAR WI » (TOUCHES FEMININES) a été dédié à la femme dans le Shula Acoustic Tour, pour un moment spécial d’échanges, d’évaluation et de  promotion de sa condition et de son statut  auquel participent beaucoup de femmes leader d’horizons divers. Justement cette année, le thème retenu est « Paix et développement local: quelle mission pour les femmes et la jeunesse? ». Pourquoi le choix de cette thématique.  

Comme déjà soulignée un peu avant le Shula Acoustic Tour promeut l’apport de femmes et des jeunes qui  est non négligeable dans la promotion et la préservation  de la paix sociale et du développement d’un pays, surtout ce modèle de développent qui prend en compte ses propres réalités culturelles.  

L’objectif est  de sensibiliser le large public des activités  culturelles et entamer ainsi une stratégie de sensibilisation et de mobilisation autour des véritables questions de développement et du rôle particulier des femmes et des jeunes dans la transformation économique et sociale. « Dit moi quelle jeunesse tu as je te dirais quel avenir tu auras » alors jeunesse de mon pays, jeunesse du continent  vous êtes  l’avenir et l’avenir c’est maintenant. Croyez toujours en vous-même.

Le monde de la culture a été durement touché par l’épidémie du Coronavirus. Comment Shula et son orchestre ont vécu cette période particulière?

Le nom de ma formation est SHULA et le RAMATOUBAND  qui porte aussi le nom de l’amarante RAMATOU. Malheureusement la pandémie a chamboulé beaucoup de secteurs d’activités  et personne n’a été à l’abri. Une crise sanitaire mondiale sans précédent. A mon niveau  on a été beaucoup impacté  financièrement, nos budgets pour les activités prévues gelés, mais le plus important a été de trouver des voies et moyens pour se relever et continuer nos activités. Nous avons aussi  tenu à participer à la sensibilisation à la lutte contre l’épidémie pour soutenir le monde médicale, et les populations, car c’est aider à sauver des vies vu la nature de la contamination. Nous avons  dû stopper et  réadapter nos programmes avec une approche digitale innovante, espérant des lendemains meilleurs pour le monde culturel. Je m’incline aussi devant la mémoire de toutes les victimes parties pour cause du Coronavirus. Les vaccins sont déjà là alors nous gardons espoir pour un prochain retour à la normale bien que désormais rien n’est plus comme avant, il faut essayer de s’adapter du mieux qu’on peut. 

Avec Intelligence Magazine