László Krasznahorkai, Prix Nobel de Littérature 2025 : l’écrivain de l’apocalypse face à Viktor Orbán

Le Prix Nobel de Littérature 2025 a couronné l’écrivain hongrois László Krasznahorkai. Par son style unique — des phrases-paragraphes s’étalant sur plusieurs pages — et l’intensité de son propos, Krasznahorkai s’impose comme un romancier central pour décrypter les angoisses et les effondrements du monde contemporain. Ses thèmes de prédilection, comme l’apocalypse et la figure du faux messie, résonnent avec l’actualité politique, notamment en Hongrie, sous le régime de Viktor Orbán.

Le style Krasznahorkai : la phrase-labyrinthe

Ce qui marque le lecteur chez Krasznahorkai, c’est d’abord la forme. L’auteur hongrois est célèbre pour son usage de phrases longues et sinueuses, composant des paragraphes qui peuvent s’étendre sur plusieurs pages. Cette structure impose un rythme singulier, souvent comparé au monologue intérieur ou à un chant sombre.

Comme l’a dit son compatriote, l’autre Nobel hongrois Imre Kertész, ces longues phrases sont une « consolation métaphysique ». Elles créent un lent mais intense labyrinthe narratif, plongeant le lecteur dans une atmosphère sombre, proche des œuvres de Thomas Bernhard ou Mircea Cărtărescu.

Apocalypse et décadence : l’allégorie politique hongroise

Krasznahorkai est souvent décrit comme un romancier du pourrissement et de la décadence des systèmes et des individus. Ses œuvres clés comme Tango de Satan, La Mélancolie de la résistance ou Le Baron Wenckheim est de retour décrivent des villages ou des villes qui s’effondrent sous le poids de la misère morale et physique.

  1. Le Faux Messie : Un motif récurrent est l’arrivée d’un personnage mythifié (Irimias dans Tango de Satan ou Wenckheim dans son dernier roman) attendu comme un rédempteur. Ce « messie » est invariablement déçu, paniqué ou manipulateur, confronté à l’agitation délirante et pathétique des villageois.
  2. Critique du Pouvoir : Bien que l’œuvre soit souvent symbolique, la dimension politique est très présente. La Mélancolie de la résistance dépeint l’installation progressive d’un régime autoritaire. Plus explicitement, Le Baron Wenckheim est de retour est une critique acerbe du pourrissement de la Hongrie de l’ère Orbán, où le pouvoir est aux mains de bandes mafieuses et d’idéologies simplistes.

L’auteur, dont la mélancolie n’est pas compatible avec le progressisme ou le conservatisme, se positionne en observateur intransigeant de l’horreur du réel.

Des romans lents ou des monologues rapides ? Le paradoxe Béla Tarr

La renommée de Krasznahorkai est intrinsèquement liée aux adaptations cinématographiques de ses romans par le réalisateur Béla Tarr. Si les romans sont des labyrinthes narratifs intenses où les monologues intérieurs vont très vite, les films de Béla Tarr (notamment les sept heures et demie de Tango de Satan) se caractérisent par une lenteur éprouvante.

Malgré cette différence structurelle, le duo a créé une œuvre commune et cohérente, où la violence du monde est mise en scène avec une esthétique brute.

Finalement, si les récits de Krasznahorkai peignent l’horreur du réel et le pourrissement d’un monde post-communiste et autoritaire, sa quête constante de beauté, visible dans des œuvres comme Seiobo est descendue sur Terre, offre, selon Imre Kertész, cette fameuse consolation métaphysique : l’art pour maintenir « vif le rêve qu’un horizon apparaîtra après le désert. »

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