Le gouvernement sénégalais se prépare à franchir une nouvelle étape pour la connectivité nationale. Lors de la présentation du budget 2026 devant les députés , le Ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique a annoncé le lancement imminent du réseau Starlink sur l’ensemble du territoire, dès le mois de décembre 2025.
Si la date demeure à confirmer par le régulateur local, l’écho médiatique autour de cette déclaration conjuguée à des annonces de politique publique marque un tournant important dans la stratégie de réduction de la fracture numérique au Sénégal.
Pourquoi Starlink est au cœur du plan « connectivité universelle »
D’après le Ministre Alioune Sall, l’introduction de Starlink s’inscrit dans un plan global visant à offrir un accès Internet de qualité, partout dans le pays :
Déploiement de Starlink dès décembre 2025, avec comme ambition de connecter gracieusement un million d’élèves et étudiants dans une première phase. Une stratégie complémentaire de renforcement de la dorsale fibre optique nationale, via l’opérateur public SENUM SA, qui détient déjà près de 6 000 km de fibre. L’installation d’infrastructures innovantes, satellites, fibre, voire même drones, pour desservir les zones rurales et frontalières peu ou pas couvertes. À long terme : viser une couverture haut et très haut débit sur l’ensemble du territoire d’ici 2047.
Cet effort s’insère dans un budget 2026 structuré autour de la modernisation numérique de l’État, décliné en cinq programmes clés (souveraineté numérique, économie numérique, médias, poste, pilotage administratif), porté par des ressources globales de 85,15 milliards FCFA en autorisations d’engagement et 81,06 milliards FCFA en crédits de paiement.
Starlink en Afrique : un contexte favorable
Le choix de Starlink n’est pas anodin : le fournisseur de l’homme d’affaires Elon Musk a accéléré son expansion sur le continent ces dernières années. En 2025, l’entreprise affirme cibler le lancement dans de nombreux pays africains et le Sénégal figure parmi les pays “prévus” selon les feuille de route diffusées par Starlink.
À ce jour, Starlink est déjà opérationnel ou en passe de l’être dans une vingtaine de pays d’Afrique, pour répondre notamment au défi des “zones blanches”, ces zones rurales ou éloignées mal desservies par les infrastructures classiques de télécommunications.
Dans ces contextes, l’Internet satellitaire offre une alternative technique séduisante en théorie capable d’abolir les barrières géographiques et d’accélérer l’accès à l’information, à l’éducation, à l’économie numérique, mais aussi aux services publics.
Mais le projet n’est pas sans obstacles. Plusieurs analystes soulignent des risques techniques, économiques et réglementaires autour de l’arrivée de lopérateur satellitaire international.
En effet le Coût d’équipement reste élevé : l’installation de Starlink requiert un terminal (parabole + routeur), dont le coût pourrait rester prohibitif pour de nombreuses familles — ce qui pose la question de l’accessibilité réelle dans les zones rurales. Concurrence et régulation : les opérateurs historiques (fibre, mobile, ADSL) pourraient voir leur position remise en cause. Il faudra un cadre réglementaire clair notamment en matière de licences, de spectre et de service universel pour garantir l’équité de la concurrence.
Engagement public vs modèle commercial privé : l’ambition gouvernementale (connexion gratuite pour les étudiants, couverture nationale) pourrait entrer en tension avec le modèle économique de Starlink basé sur l’abonnement. Comment concilier service public et exigence de rentabilité ?
Impact sur les opérateurs locaux : si Starlink s’impose comme fournisseur de fait dans les zones rurales, cela pourrait marginaliser les acteurs historiques avec des conséquences sur l’emploi, la taxation, la régulation locale.
Si le déploiement de Starlink se confirme en décembre 2025, ce serait un geste historique vers l’inclusion numérique : offrir un Internet haut débit à des populations jusque-là isolées, soutenir l’éducation, l’économie numérique et la modernisation des services publics.
Mais pour que la promesse devienne réalité, le gouvernement devra assurer un accompagnement sérieux subventions, régulation, formation, politique tarifaire adaptée et veiller à ce que l’accès ne se limite pas à une élite urbaine.
Autrement, l’opération pourrait ressembler à une simple vitrine technologique impressionnante sur le papier, mais inégalement utile sur le terrain.
Le pari est audacieux. Son succès dépendra de la capacité du Sénégal à transformer un ambitieux plan spatial en pont concret entre les populations et le numérique.