RUTEL-l’État veut remettre la main sur une manne fiscale de plusieurs milliards

Le gouvernement s’apprête à rétablir les taxes douanières sur les téléphones importés, suspendues depuis 2008 pour démocratiser l’accès au numérique

 Fini le régime de faveur. Après dix-sept ans d’exemptions fiscales sur les téléphones importés, l’État  s’apprête à tourner la page d’une politique jugée aujourd’hui « contre-productive » par le ministère des Finances. Le projet de loi n° 18/2025, examiné hier par l’Assemblée nationale, marque un virage dans la fiscalité des télécommunications.

« Nous avons créé un monstre fiscal », confie un haut responsable du ministère des Finances sous couvert d’anonymat. La loi de 2008 instituant la RUTEL (redevance sur l’accès ou l’utilisation du réseau des télécommunications publiques) avait pourtant des objectifs louables : faciliter l’accès aux télécommunications en suspendant les droits de douane sur les appareils. Mission accomplie sur le plan de la démocratisation. Le taux de pénétration mobile au Sénégal dépasse aujourd’hui les 120%, plaçant le pays parmi les leaders africains. Mais cette réussite a un coût : des milliards de francs CFA qui échappent chaque année aux caisses de l’État.

« Le secteur peut et doit contribuer davantage »

Devant les députés réunis en commission mixte, le ministre des Finances Cheikh Diba n’a pas mâché ses mots. « Le secteur des télécommunications génère des revenus considérables mais sa contribution fiscale reste dérisoire par rapport à son poids économique », a-t-il martelé. Le gouvernement entend donc réactiver la fiscalité à l’importation, conformément au Tarif extérieur commun de la CEDEAO. Une harmonisation qui s’inscrit aussi dans une logique d’intégration régionale.

Les députés partagés entre recettes et pouvoir d’achat

L’accueil parlementaire reste mitigé. Si personne ne conteste le potentiel fiscal du secteur, plusieurs élus redoutent les répercussions sur les consommateurs. « Il ne faudrait pas que cette réforme se traduise par une hausse des prix des terminaux », a mis en garde un député de l’opposition. Une préoccupation partagée par la majorité. Plusieurs parlementaires ont plaidé pour que l’effort fiscal porte prioritairement sur les opérateurs, jugés suffisamment rentables pour absorber une contribution renforcée.

Cette suggestion ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. Les trois principaux opérateurs du marché sénégalais – Orange, Free et Expresso – affichent des marges confortables malgré une concurrence accrue. Leurs chiffres d’affaires cumulés dépassent les 800 milliards de francs CFA. « Les opérateurs ont bénéficié pendant des années d’un environnement fiscal favorable. Il est temps qu’ils participent pleinement à l’effort national », estime un député de la majorité.

Selon nos sources, les nouvelles mesures pourraient rapporter entre 15 et 25 milliards de francs CFA supplémentaires par an au budget de l’État. Des ressources précieuses dans un contexte de recherche d’équilibre budgétaire. Le projet de loi devrait être soumis au vote en séance plénière dans les prochaines semaines. Son adoption ne fait guère de doute, compte tenu de la majorité gouvernementale à l’Assemblée. Reste à déterminer les modalités d’application et le calendrier de mise en œuvre, autant d’éléments qui conditionneront l’impact réel de cette réforme sur un secteur devenu incontournable de l’économie sénégalaise.

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