C’est dans la ville de Khombole, région de Thiès, que le Sénégal a franchi une étape important dans sa quête d’excellence scientifique. En présence de Mary Teuw Niane, Directeur de Cabinet du président Bassirou Diomaye Faye, des autorités locales , l’Agence Sénégalaise d’Études spatiales (ASES) a procédé au lancement officiel des travaux de construction de l’Observatoire astronomique du Sénégal (OAS), appelé à devenir la plus importante infrastructure de son genre en Afrique de l’Ouest.
Déployé sur deux hectares, l’observatoire mise sur un équipement qui place d’emblée le pays dans la cour des grands de l’astronomie africaine. Pièce maîtresse du dispositif : un télescope principal de 600 millimètres de diamètre (T620), qui sera épaulé par quatre télescopes additionnels de type C14 (300 mm). Cette dotation technologique confère au Sénégal des capacités d’exploration céleste inédites dans la sous-région.
Mais l’ambition dépasse largement la simple observation des étoiles. L’Agence Sénégalaise d’Études spatiales (ASES) dirigée par Maram Kairé, maître d’œuvre du projet, a conçu un véritable écosystème scientifique intégrant un Institut de formation en astronomie et astrophysique – une réponse directe à la pénurie criante d’infrastructures de formation spatiale sur le continent.
Le complexe ne laisse rien au hasard. Bâtiment administratif, salle des machines pour le pilotage des télescopes, locaux techniques, salle de travail pour chercheurs, réfectoire d’une vingtaine de places… Tout est pensé pour favoriser la collaboration scientifique. Mais c’est surtout la salle de conférence de 200 places, assortie d’un hall d’exposition, qui révèle l’ADN profond du projet : faire de l’astronomie un levier de démocratisation scientifique.
En ouvrant ses portes aux établissements scolaires pour des visites pédagogiques, l’OAS entend susciter des vocations dans les filières STEM (Science, Technologie, Ingénierie, Mathématiques), un enjeu stratégique pour un pays qui mise sur l’économie de la connaissance.
Un hub connecté à la science mondiale
L’une des innovations majeures de l’observatoire réside dans sa capacité à fonctionner en mode distant. Grâce aux technologies de télé-opération, tous les télescopes pourront être pilotés depuis n’importe quel point du globe, offrant du temps d’utilisation à la communauté scientifique internationale. Une approche qui transforme cette infrastructure sénégalaise en bien commun de la recherche astronomique mondiale.
Cette ouverture n’est pas gratuite : elle valorise un atout stratégique souvent méconnu. La position géographique de l’Afrique s’avère cruciale pour l’observation des occultations stellaires – ces phénomènes qui permettent de mesurer la taille et les atmosphères de corps célestes lointains comme Pluton, Triton ou certains astéroïdes. Le Sénégal comble ainsi un vide dans le réseau mondial d’observation, apportant une pièce manquante à la cartographie céleste.
Des ambitions scientifiques de haut vol
Le programme de recherche de l’observatoire s’articule autour de plusieurs axes à la pointe de l’astronomie contemporaine. L’astronomie planétaire et l’étude du système solaire constituent le socle, avec le suivi d’astéroïdes et de comètes, la mesure d’orbites, la photométrie de rotation, ainsi que la détection de nouvelles familles de corps célestes, en partenariat avec le Minor Planet Center (MPC).
L’observation d’impacts lunaires, la cartographie détaillée de notre satellite, l’évolution de sa libration et les effets thermiques complètent ce programme ambitieux. Mais c’est surtout l’insertion dans des réseaux de coopération de premier plan qui consacre l’entrée du Sénégal dans le concert des nations contribuant activement à l’astronomie moderne : Union astronomique internationale via son Office of Astronomy for Development (OAD), African Astronomical Society (AfAS), programmes internationaux comme TESS, ExoClock, AAVSO et Gaia Alerts.
La collaboration envisagée avec l’African Very Long Baseline Interferometry (AVN) pour croiser observations radio et optiques illustre la dimension continentale du projet. L’OAS se positionne clairement comme un hub sous-régional pour la recherche spatiale.
Au-delà de la recherche fondamentale, l’observatoire s’inscrit dans une logique de développement technologique dont l’histoire de l’astronomie regorge d’exemples probants. Les capteurs CCD, initialement conçus pour analyser la lumière des étoiles et galaxies lointaines, équipent aujourd’hui nos appareils photo et smartphones – illustration parfaite de ce processus de transfert technologique.
L’astronomie joue également un rôle catalyseur dans la création de vocations scientifiques, élargissant le vivier de talents en mathématiques, physique, informatique et sciences de l’ingénieur – des compétences cruciales pour l’économie du XXIe siècle.

« Avec l’Observatoire astronomique de Khombole, le Sénégal ne se contente pas de regarder vers les étoiles a soulginé » Maram Kairé lors de son discours. Selon lui, « Il construit méthodiquement les fondations d’une économie de la connaissance, tout en inscrivant résolument l’Afrique de l’Ouest sur la carte de la recherche scientifique mondiale. Un pari audacieux qui pourrait inspirer d’autres nations du continent et confirmer que la course à l’espace n’est plus l’apanage des puissances traditionnelles. »
Dans un contexte où l’Afrique cherche à affirmer sa souveraineté technologique et scientifique, cette infrastructure symbolise une ambition : celle de passer du statut de consommateur à celui de producteur de connaissances. Le ciel africain n’a jamais été aussi proche.