jeudi, avril 18, 2024

Génération smartphone ! par Bacary Domingo Mané

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Qui arrêtera cette jeunesse qui repousse chaque jour, que Dieu fait, les frontières du permis ? Dans sa façon de parler, de s’habiller, bref de se comporter, elle étonne les adultes de plus en plus perdus par les actes posés par des adolescents appartenant à la génération Smartphone. Celle qui télécharge des modèles de faire ou d’agir et de penser.

Les adolescents de Diourbel ont vu le « Bombass », le « Piscine party », et le « Beach party » sur la toile, tout comme les lesbiennes de Grand Yoff. Idem pour les inspirateurs de « Goody Town » qui ont sûrement vu ailleurs, cette torture corporelle, ce « supplice du diable » (ce qu’ils appellent en langue wolof « toroxal seytaani ». Il suffit de voir la nouvelle tendance de certains clips de rap sénégalais s’inspirant du modèle américain où le corps de la femme devient l’objet de tous les fantasmes.

Des corps nus, où l’exhibition des parties intimes piège le regard du téléspectateur qui n’en revient pas. Sur ces clips, les jeunes filles sont en cache-sexe, à défaut d’être en tenue d’Adam. Les garçons trainent des pantalons qui leur tombent sur les fesses. Ils appellent ça « check down ». Un autre anglicisme qui renvoie à celui des adolescents de Diourbel où un groupe a choisi la dénomination « VIP Fashion Club » avec la déroutante devise : « no drinking », « no smoking ». C’est l’arbre qui cache la forêt de la dépravation avec des adolescents qui font « parler » la bouteille et fument comme une cheminée pour être dans les vapes. Cette dépravation des moeurs a dynamité les murs des collèges, des lycées et des universités où les sorties pédagogiques se transforment, parfois, en des moments de débauches. A qui la faute ?

Nous nous garderons de tomber dans le piège de la critique facile qui met tout sur le dos des parents. Certes les géniteurs ont une part de responsabilité. Mais si les adolescents empruntent la voie de la dépravation des moeurs, ce n’est pas faute de repères tracés par des parents soucieux de l’éducation de leur fratrie.

Dans le lot d’explications on peut avancer que l’adolescence en elle-même est une crise des valeurs et gommage des repères antérieurs. Cette expérience initiatique renvoie à la métaphore de l’enfant au marteau qui casse le temple des interdits pour y ériger des abris provisoires de repères qu’il découvre au fur et à mesure de son évolution. Comme si l’aventure initiatique laissait évaporer tous les repères établis, seule condition, pour l’adolescent, de faire sa propre expérience. Il a compris que l’interdit réfigure sa propre transgression, c’est pourquoi l’adolescent questionne le fondement des valeurs au-delà de ce qu’elles prétendent être.

Surtout, lorsqu’il « surprend » des adultes en train de transgresser les interdits qu’ils couvrent du voile du langage suggestif du genre : « Namou ma dara », « Yaay bagn », « Tabax bémou kawé », etc. En plus, ces jeunes font face à plusieurs montages culturels du fait de la mondialisation. Ce sont les enfants génération Smartphone qui ne résistent pas à la tentation, tels des vignerons, de goûter à tous les vins. Plusieurs modèles s’offrent à eux et ils ne savent lequel choisir. Ils vacillent et perdent pied. C’est pourquoi l’avenir de notre pays est incertain, s’il doit miser sur une jeunesse « inconsciente ». Celle qui se laisse éblouir par le virtuel.

A quoi servira le Pse, si ceux qui doivent assurer la relève ne sont pas conscients de leur mission ? A quoi bon de lancer des réformes, mobiliser des ressources économiques, construire des infrastructures de dernière génération, s’il n’y a pas de relève de qualité ? Il y a de quoi avoir peur… pour notre pays !

Bacary Domingo Mané

(Source : Sud Quotidien, 16 juin 2015)