lundi, octobre 14, 2024

Fintech: Les enjeux d’une révolution balbutiante

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La Bceao a institué une cellule dénommée « Comité FinTech » (Technologie financière) le 18 février 2020. Ce Comité a pour mission de promouvoir le développement harmonieux des « FinTech » dans l’Uemoa, à travers notamment l’adaptation du cadre réglementaire en vigueur ainsi que la mise en place d’un Bureau d’innovation (Innovation Hub) et d’un Laboratoire réglementaire (Regulatory Sanbdox).

Le Bureau d’innovation accompagne les porteurs de projets innovants, tandis que le Laboratoire réglementaire a en charge l’encadrement de ces initiatives -requérant une autorisation spécifique pour l’exercice de l’activité financière en qualité de « FinTech »- dans les conditions prévues par la réglementation. Par ces initiatives, le régulateur cherche à encadrer ce secteur en pleine expansion sans tuer l’innovation.

État des lieux

MicroSave Consulting, cabinet international spécialisé en inclusion financière, économique et sociale, et la Fondation Mastercard ont publié, le 7 juillet dernier, une étude sur l’état actuel des FinTechs et les défis de l’inclusion financière en Afrique francophone. Voici les principaux enseignements.

D’après cette étude ciblant le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Mali, la République démocratique du Congo, le Sénégal et le Togo), l’inclusion financière reste le principal domaine d’intervention des investisseurs en capital-risque spécialisés dans la technologie et le numérique au sein du continent, attirant 54,5 % du montant total des financements. « Le constat général est que les FinTechs continuent à se développer, que les entreprises sont prêtes à innover. Elles ont toutefois besoin d’un coup de pouce en Afrique francophone en particulier qui accuse du retard par rapport à l’Afrique anglophone », constatent les auteurs de l’étude. Autrement dit, si le marché est « mûr pour l’innovation », il faudra un effort collectif pour remédier aux lacunes actuelles qui comprennent les contraintes réglementaires, la faiblesse des systèmes juridiques, le manque de connaissances financières et numériques et l’absence d’antécédents de crédit pour exploiter le marché potentiel.

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Au Sénégal, pays faisant partie des pionniers de la région avec la Côte d’Ivoire en termes de croissance et d’investissement dans le secteur, l’écosystème se compose de 24 FinTechs et de 47 facilitateurs et partenaires de financement, alors que les applications mobiles sont le principal circuit de distribution utilisé. « Les incubateurs ont besoin de soutien pour apporter de la valeur au secteur », note l’étude. Depuis 2014, les startups FinTechs du Sénégal ont connu une croissance régulière et la majorité d’entre elles sont dirigées par des jeunes, notamment des hommes. Seuls 30 % de l’écosystème sénégalais est composé de femmes. Grâce à un écosystème dynamique de startups et à un accès croissant aux investisseurs, Dakar se classe au neuvième rang du classement des villes africaines du Global FinTech Index 2020.

Les tendances actuelles comprennent l’incubation, par les banques, de FinTechs relevant de la nouvelle loi sur les startups. Le principal modèle d’affaires est le modèle B2B (d’entreprise à entreprise), suivi de près par les modèles P2P (particulier à particulier) et B2C (d’entreprise à consommateur). La plupart des entreprises sont développées par des personnes qui possèdent une expérience professionnelle significative et certaines d’entre elles sont soutenues par des défis d’innovation et des incubateurs.

Grâce à l’adoption rapide des services financiers digitaux, le Sénégal est en voie de devenir un leader au sein de la région. Selon la Banque mondiale, 40 % des adultes (15 ans et +) ont effectué ou reçu des paiements digitaux en 2017. Quant à l’épargne et à l’emprunt, près de la moitié de la population (45 %) s’y est employé au cours de l’année écoulée, principalement par le biais de canaux informels et semi-formels.

L’épargne et le crédit informels représentent un potentiel important pour les FinTechs qui peuvent fournir des solutions digitales personnalisées de deuxième génération pour l’inclusion financière.

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Là aussi, l’écart entre les hommes et les femmes en matière d’inclusion financière reste important quoique l’utilisation du mobile money facilite l’accès de ces dernières et des jeunes. 47 % des hommes avaient un compte (dont près de 38 % de comptes de mobile money) en 2017, contre 38 % des femmes (près de 29 % de comptes de mobile money). Malgré le niveau élevé de sensibilisation aux services financiers digitaux, leur taux d’adoption est faible en raison de l’absence de propositions de valeur solides et au manque d’utilisation via les comptes d’utilisateurs enregistrés. Par ailleurs, les micro, petites et moyennes entreprises (Mpme) sont à une frontière à explorer puisqu’il y a un besoin urgent d’améliorer leur accès au financement, particulièrement dans le secteur agricole qui représente les 2/3 de la population. Les produits financiers sont souvent mal conçus pour servir les zones rurales et les économies fondées sur l’agriculture qui se caractérisent par des risques liés aux conditions météorologiques et aux produits de base, ainsi que par des fluctuations saisonnières des revenus. Le soutien de l’État est nécessaire pour développer les capacités des FinTechs qui sont susceptibles de jouer un rôle clé dans l’inclusion financière grâce aux services financiers digitaux.

Le lexique des FinTechs 
La FinTech est l’acronyme de Financial technology. À l’origine, elle désignait des startups de Tpe (très petite entreprise) ou Eti (entreprise de taille intermédiaire) qui permettaient d’obtenir des solutions innovantes dans des secteurs de la finance. On peut citer des domaines comme les paiements mobiles, la consultation et l’exploitation des comptes bancaires en ligne mais aussi des solutions innovantes dans la gestion interne au sein des structures financières comme le développement de certains algorithmes dans les banques.

La Blockchain (ou chaine de blocs) est un réseau distribué qui permet de conserver, de manière définitive et irréversible, des informations qui sont, dans notre cas, des informations financières. Ces dernières sont inscrites de manière indélébile. Elles sont infalsifiables et contrôlables à tout instant. Il faut noter qu’il peut y avoir une blockchain publique lorsqu’il n’y a pas de restrictions relatives au nombre de mineurs. Donc, c’est ouvert ou privée lorsque le nombre est limité à quelques personnes. La blockchain permet de se passer du tiers de confiance dans les transactions.

Pour ce qui est de la Monnaie numérique, il s’agit plutôt d’une extrapolation, car on fait souvent référence aux supports numériques ou électroniques de la monnaie. Maintenant on a tendance à généraliser et à considérer que toutes les formes de monnaie dématérialisée constituent la monnaie numérique ou électronique y compris la monnaie scripturale.
La Cryptomonnaie est une monnaie digitale, sans banque, créée par un logarithme dans le réseau blockchain. Elle circule dans le net, elle est apatride et ne dépend d’aucune autorité monétaire centrale.

 Plus loin avec Dr Mamadou Mbaye, Enseignant à l’Université de  Thiès

« La FinTech change notre rapport avec la monnaie »

Enseignant à l’Université de Thiès et chercheur au Laboratoire de recherches économiques et monétaires (Larem-Ucad), Dr Mamadou Mbaye est un spécialiste des FinTechs et des cryptomonnaies. Il analyse, dans cet entretien, les enjeux liés à ces technologies financières.

Ces technologies financières changent-elles notre rapport à la monnaie ?
Effectivement, elles changent notre rapport avec la monnaie ; elles facilitent les transactions, rendent plus accessibles les produits financiers et contribuent à la dématérialisation du système monétaire. Elles offrent des possibilités d’optimisation de nos relations avec la monnaie au sens large et plus globalement avec le système bancaire.

À votre avis, quels sont les principaux freins au développement des FinTechs au Sénégal ? Autrement dit, quels sont les préalables pour un écosystème favorable à ces technologies financières ?

La FinTech est arrivée au Sénégal dans le contexte d’un écosystème numérique émergent et dynamique avec un certain nombre de variables favorables. Par exemple, une population jeune de plus en plus accro au Smartphone, un taux d’urbanisation croissante, une amélioration continue de la pénétration de l’internet avec la fibre optique, un taux d’activité entrepreneuriale en hausse, une amélioration et une diversification des formations techniques, une vulgarisation de l’informatique et un appui de la diaspora qui augmente le pouvoir d’achat des autochtones et contribue au transfert de technologie en la matière. Pour permettre son développement, il faut définir un cadre réglementaire incitatif et juridique pour encadrer les entités non bancaires. Il faudra normer le secteur avec une surveillance accrue des agents et des transactions. D’autre part, il faudra faciliter l’accès au financement des startups. En un mot, il faut mettre en place un cadre juridique, institutionnel et réglementaire, voire technique, pour booster le secteur.

Quels sont les avantages et les risques liés à ces technologies financières ?

Elles contribuent à l’inclusion financière. D’ailleurs, la clientèle de départ était essentiellement composée de la population non bancarisée et informelle avec les systèmes de paiement et de transfert sur des plateformes numériques et les portefeuilles de monnaie sans compte bancaire. Elle contribue à la financiarisation de l’économie informelle comme la nôtre. Elle facilite les rapports entre clients et banques (presque toutes les opérations peuvent se faire en ligne). Pour la banque, elle facilite la collecte de l’information sur le client, réduisant, du coup, l’asymétrie d’information, le risque de défaut et les coûts de gestion de la clientèle. Il y a deux risques majeurs, à savoir la cybercriminalité et la non-transparence concernant l’exploitation des données personnelles collectées.

La faible bancarisation de l’Afrique est-elle une opportunité ou une contrainte ?

C’est plus une opportunité qu’une contrainte parce qu’elle va permettre l’éclosion de nouvelles idées, et donc, d’innovations pour faciliter les rapports avec l’argent. Il faut toutefois noter que la FinTech accompagne le développement du système bancaire, car la plupart de ses sous-jacents sont constitués de produits bancaires.

Quels impacts auront ces monnaies numériques sur le commerce et les relations internationales ?

L’impact est positif parce que depuis fort longtemps, les supports monétaires sont utilisés dans les transactions financières internationales. La monnaie tangible et centrale a une utilisation plus locale qu’internationale.

Dossier réalisé par Seydou KA, Le Soleil