vendredi, octobre 11, 2024

La mort de la raison

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Le Sénégal d’aujourd’hui s’est beaucoup déprécié à la bourse des valeurs humaines, morales et éthiques.

Il y a encore beaucoup d’hommes et de femmes ancrés dans les valeurs cardinales que nous ont laissées en héritage nos ancêtres.

Cependant l’espace public, qui respire aux pulsations des médias de toute sorte, peuplé d’êtres très bavards et souvent peu éduqués, met en pleine lumière le point culminant de la bêtise humaine, ce qui ne doit pas s’exposer, ce qui ne doit pas se dire, ce qu’un être humain ne doit pas faire, ce qu’une autorité ne doit pas faire, ce qu’une autorité ne doit pas dire, ce que la dignité d’une personne ne doit pas permettre, etc.
L’habitude finit par imposer la contre valeur comme valeur.
Lorsque le voleur de poulet nourrit chaque jour sa famille du fruit de ses larcins, ses parents finissent par oublier l’origine illicite de leur pitance. Ils prient pour leur heureux bienfaiteur.
Lorsque les voleurs en col blanc inondent le pays de billets rouges de dix mille francs, offrent des moulins à mil, financent les GIE de femmes, construisent des mosquées, nourrissent les laudateurs, les populations finissent par croire que l’homme politique doit être forcément un homme riche capable de financer leurs projets pour recevoir en retour leurs suffrages. Elles ne se posent plus la question de l’origine de cette richesse qui n’est rien d’autre que le produit du vol des personnalités d’en haut.
Lorsque Mor Khary Diop annonce avoir vu une hyène à la Place de l’Indépendance, le Sénégal en entier lui tombe dessus pour le traiter de fou à défaut de le traiter de grand menteur.
Par contre lorsque du haut de son arrogance mégalomane une Autorité ose affirmer, devant tous les Sénégalais, avoir déjeuner avec Leuk Daour à Teeru Baay Soogi, ils sont innombrables les Sénégalaises et les Sénégalais qui attestent de la véracité de ses dires.
Nos concitoyennes et concitoyens ont, depuis très longtemps, dépassé l’état de croyance raisonnée à des autorités. Ils ont atteint l’état d’adoration divinisée d’individus sans foi, ni loi qui peuplent notre espace public notamment politique et même religieux.
L’enracinement de l’éducation dans nos langues nationales, nos religions, nos meilleures valeurs de culture, les mathématiques, la science et la technologie inculque au citoyen la culture de l‘usage de la raison et de son pendant l’esprit critique.
Nous sommes dans un pays où depuis deux décennies, les hommes et les femmes ont gravement perdu la tête.
Les jeunes nés dans cette époque irrationnelle, sans culture religieuse, tétés à la pire des baves des réseaux sociaux, sans autoriés familiales, se soumettent à tous les gourous religieux, politiques et même musicaux.
Comment comprendre qu’un chanteur qui arbore les couleurs LGBT puisse drainer des dizaines de milliers de jeunes dans un pays à 95% de musulmans et 5% de chrétiens !
Il y a une amnésie totale, ou bien une ignorance honteuse, ou bien pire une volonté de faire abstraction des leçons tirées de la vie du Prophète Mouhamed, Paix et Salut sur Lui (PSL).
Un de ses compagnons ne lui demandait-il pas souvent lorsqu’il énonçait une assertion, sa provenance.
Est-ce la Parole divine demandait-il? Dans ce cas, elle n’est pas discutable, le philosophe dirait, elle n’est pas réfutable.
Est-ce la parole du Prophète? Dans ce cas, c’est une parole humaine, fut-elle la parole de Mouhamed PSL, elle doit être soumise à l’épreuve du débat, de la discussion donc de la raison.
Nous comprenons tous alors l’hérésie dans laquelle s’est installée notre pays depuis une vingtaine d’années et plus particulièrement ces toutes dernières années.
Il y a des êtres intouchables, personne n’ose discuter leurs paroles, leurs vérités, malheureusement aussi leurs mensonges.
Ils ont accaparé le cerveau des sénégalais.
Les plus rusés s’installent dans la laudation pour en tirer profit, en faire leurs gagne-pains.
Ils ont réussi à terroriser les intellectuels et les savants. Ceux-ci ruminent dans leurs bureaux leurs idées subversives qu’ils n’osent plus exposer en public de peur de recevoir les boldé des soldats des Gourous bien installés et très protégés, les piqûres vénéneuses des myriades de moustiques des réseaux sociaux lâchés par des hommes politiques intouchables ou tout bonnement les articles de presse commandités par des lobbys invisibles et lugubres qui font et défont les pouvoirs en Afrique.
Comment dans ce pays, où une grande partie des hommes ont peur, ont un visage défait, une mine triste, un regard fuyant, rétablir la capacité de penser librement, d’user courageusement de sa raison et d’exprimer publiquement son opinion.
Les Sénégalaises et les Sénégalais furent très nombreux le 31 juillet 2022 à s’être abstenus à exprimer leurs suffrages. Ils continuent d’ailleurs à s’emmurer dans leurs maisons. S’ils ont perdu la confiance à un pouvoir finissant enfermé dans ses errements et frasques quotidiens, ils ne sont non plus rassurés par l’opposition qui effraie certains d’entre eux.
Ce climat délétère où la raison est appelée à s’effacer pour laisser la place à l’adoration aveugle d’hommes et de femmes est le ferment fertile de la naissance de la dictature, de son emprise sur les corps et sur les âmes.
N’oublions jamais les leçons de l’Histoire!
La dictature commence toujours par asservir joyeusement les esprits avant de s’emparer complètement des individus qu’elle constitue en armée pour asseoir le silence glacial de la pensée unique.
Notre malheur est que le monstre de la pensée unique gît dans le pouvoir qui use du terrible monopole de la force dont il dispose. Le monstre gît aussi chez ceux qui s’opposent et manquent d’ouverture d’esprit.
La raison dans tous les sens du mot triomphera.
C’est mon intime conviction.
En effet, c’est la seule issue digne du vaillant peuple sénégalais.
Dakar, samedi 4 mars 2023
Mary Teuw Niane