vendredi, avril 19, 2024

Comprendre la stratégie derrière le rachat par Amazon de la startup Zoox d’Aïcha Sarr Evans

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Après la publication de notre article annonçant le rachat par Amazon de la startup Zoox, dirigée par la Sénégalaise Aicha Sarr Evans, il y a eu beaucoup de réactions.

Pour certains, cette startup n’a rien de sénégalais, donc, rien d’exceptionnelle. Pour d’autre, cette transaction est la partie visible de l’iceberg car beaucoup de chose se sont déroulées avant cette vente.

Voici les rappels et l’analyse faite par un expert sénégalais d’origine occidentale pour Tract, sur les dessous de la vente de la startup Zoox de la Sénégalo-Américaine Aïcha Sarr Evans, à Amazon. Verbatim :

» Zoox a été fondée en 2014 par l’Australien Tim Kentley-Klay et Jesse Levinson, qui est le fils de Arthur Levinson, le Président du Conseil d’Administration de Apple. Depuis le départ, l’entreprise a pu ainsi lever près d’un milliard de dollars en investissements privés (papa Levinson) et de banques de capital-risque. À Silicon Valley, l’accès aux fonds est à 90% une affaire de copinage et il est essentiel de faire partie du sérail pour y avoir accès.

Aicha Evans était depuis 2013 en charge de la division Mobile Communications & Devices Group chez Intel, après s’être joint à Intel en 2006 en tant que superviseur “assurance qualité” dans le département informatique du groupe. Elle détient une licence en informatique de l’université George Washington. Evans a été débauchée de son dernier poste chez Intel (Chief Strategy Officer) par le le consortium d’actionnaires de Zoox en janvier 2019, parce que Jesse Levinson, PhD en informatique de Stanford, voulait se focaliser sur le développement technologique, et que Tim Kentley-Klay s’était retiré de ses activités.

À cette époque la boîte avait une valeur estimée de 3,2 millards de dollars (selon la valeur des transactions privés sur son titre) et ils se mire à débaucher quelques employés de Tesla. Un an plus tard, la crise du Covid-19 menace de faire péricliter la startup et en parallèle Tesla intente une action en justice pour recel de secrets industriels visant certains de ses ex-employés débauchés par Zoox.

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Evans décide de mettre à pied 10% des effectifs de la compagnie, ainsi que de trouver un repreneur. C’est chose faite avril et une entente est conclue pour une vente à Amazon, qui ne couvre que les investisseurs initiaux et les dettes de la compagnie, soit un total de 1,2 milliards de dollars. Dans le jargon du milieu, ça s’appelle un “fire sale” : le degré où tu sauves encore les meubles. Il y a tout à parier que les actionnaires-fondateurs ont accepté une très forte dilution et que Evans a converti son package de stocks options de Zoox en “restricted stock units” de Amazon.

Elle gagne probablement moins que ce qu’elle gagnait chez Intel en tant que faisant partie de la “C-Suite” (les “Chief” machin et chose), mais elle est désormais ancrée dans une aventure intéressante et plus mouvementée que la production de micro-contrôleurs.

Le modèle d’affaires de Zoox, ne l’oublions pas, est de mettre au chômage les conducteurs de taxi et autres chauffeurs professionnels. On sait tous que l’obsolescence de ces petits métiers automatisables est programmée, mais la question reste entière de se demander comment les profits énormes raflés par ces “GAFA” pourraient servir à combler le manque à gagner des petits travailleurs, plutôt qu’à permettre à Jeff Bezos l’acquisition d’un yacht encore plus grand.

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Maintenant, pour conclure, un tire comme “Amazon rachète a la Sénégalaise Aicha Evans” est lourdement trompeur, indique une inculture du monde de la tech par son auteur, et laisse penser que la non-moins méritante Aicha Evans aurait monter ex-nihilo une belle histoire de startup de type “unicorn” et qu’elle aurait ainsi empoché quelques centaines de millions de dollars, voire les 1,2 millards. 90% des personnes qui font des gros sous à Silicon Valley sont des banquiers… les autres 10% sont des entrepreneurs gratifiés par leur talent.

Il y a tout à parier que Mrs Evans est déjà multi-millionnaire; le salaire d’une Chief Officer à San Francisco est au-dessus d’un million de dollars par an, sans compter que tous leurs frais sont pris en charge.

Ce qu’il faut admirer chez elle, c’est d’avoir réussi à percer dans un univers hyper-masculin et pas particulièrement bien encore représenté chez les Noirs.

Chapeau à elle; surtout en ce qu’elle a aidé Intel à investir dans tous les domaines de l’automatisation mobile; un pari gagnant qui lui a valu ses promotions successives, elle qui n’a même pas une maîtrise en poche, mais un excellent flair et certainement un entregent extraordinaire. »

Avec Tract