mercredi, avril 24, 2024

La Françafrique 2.0

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Le Sommet Afrique-France de Montpellier (8-9 octobre 2021) entre le chef de l’État français et la société civile africaine est tout simplement Scandaleux. Quel camouflet pour les chefs d’États de la zone de nuisance française (ZNF) !

Le président français nous dit-on, souhaite recalibrer les relations dans la Françafrique, et pour ce faire il convoque la société civile africaine (soigneusement choisie) en zappant dédaigneusement ses interlocuteurs attitrés à savoir ses homologues, chefs d’États africains. À trois mois de sa possible réélection, il faut bien que le président français montre à ses compatriotes que quelque chose va changer à propos de l’Afrique et qui plus est, ce changement aura été « validé » par les « forces vives du continent ».

Il est alors légitime de se poser les questions suivantes : les présidents africains ne seraient-ils plus fiables ? Ou auraient-ils perdu toute légitimité pour parler au nom de leurs États et de leurs peuples ? Ou auront-ils été incapables de juguler le sentiment anti-français ? Se verront-ils dès lors imposer un recalibrage validé par la société civile africaine en toute complicité avec le président français ?

Quel coup pour leur légitimité à l’interne !

La diplomatie a vraiment changé. J’imagine mal le président sénégalais convoquant la société civile brésilienne pour échanger sur le futur des relations entre le Brésil et le Sénégal. Mais puisqu’il il s’agit de l’Afrique, tout est permis. Surtout si ça émane de la « Métropole ».

Mais entendons-nous bien. L’Afrique sur laquelle la France estime devoir et pouvoir maintenir encore sa tutelle n’inclût ni l’Algérie ni l’Egypte ni le Nigeria même pas la Gambie encore moins l’Éthiopie, le Swaziland ou l’Afrique du Sud. Il s’agit en fait d’une Zone de nuisance réduite (15% de la population africaine et 14 États sur 54), regroupant des pays parmi les plus faibles et les plus appauvris d’Afrique, captifs d’un système de prédation multiséculaire, prisonniers d’un régime monétaire archaïque, étroitement surveillée par un réseau de bases militaires et de nuées d’hommes de l’ombre. Ajoutez-y des présidents-sous-préfets et la dynamique de paupérisation perpétuelle est inéluctable.

Voilà la réalité du dernier empire colonial au monde et qui plus est, sans date de péremption. Au 21e siècle !

Nous finirons bien par nous retrouver devant la Cour Internationale de Justice pour annuler ces traités illégaux et illégitimes. Et obtenir réparation. En attendant, conscient du rejet africain populaire et sans ambiguïté de ce système féroce d’extorsion sous-tendu par une violence sans complexe, le président français désigne ses boucs-émissaires : les présidents africains ; il les tient à une distance humiliante. Pourtant, ils demeurent loyaux. Quel camouflet !

« La France n’a pas d’amis. Elle n’a que des intérêts », dixit le Général de Gaulle.

Les chefs d’États francophones confondant tutoiement avec le président français et respect pour soi auront-ils enfin le courage de choisir la défense de la dignité de leurs peuples plutôt que la soi-disant « amitié » avec la France ?

M. le président de la France, si vous voulez vraiment recalibrer la Françafrique, nul besoin de forums et de débats ni même de financement de notre développement.

Voici ce que je vous suggère :

1.Cessez de vous ingérer dans nos combats politiques internes : Ça ne vous regarde pas ;

2.Fermez vos bases militaires chez nous et rapatriez votre soldatesque ; vous n’êtes pas les bienvenus ;

3.Désengagez-vous de la gestion de notre monnaie et rendez-nous toutes nos réserves y compris notre or à la Banque de France ; nous n’avons aucun respect pour les receleurs. Je ne mentionne même pas nos objets d’art volés ;

4.Arrêtez de forcer l’utilisation de votre langue, de votre culture, de votre droit sur nous. Cela ne peut que nourrir le rejet qui monte et qui monte ;

5.Arrêtez l’intimidation et le chantage pour gagner des marchés au vu et au su de tous. C’est tellement pathétique.

Bref, entamez enfin votre propre décolonisation pour espérer stopper votre déclin. Nous n’avons pas votre temps et en toute lucidité je vois mal comment la société civile africaine peut y remédier. Or c’est ça le véritable enjeu.

Quant à votre obsession face à l’immigration africaine, essayez de faire preuve d’un minimum de cohérence. Vous ne pouvez pas nous imposer à travers les APEs la libre circulation de vos produits agricoles subventionnés, des contrats de pêche qui vident nos mers, des produits manufacturés qui plombent nos industries balbutiantes et ensuite nous exiger de policer les départs de ceux-là même que vous avez privé de travail. C’est là le comble du cynisme et de la méchanceté auxquels vous nous avez habitués. Honte à vous !

Messieurs les présidents africains, vous voyez bien qu’on ne peut jamais faire ami-ami avec l’ennemi. Seul le peuple peut vous protéger. Encore faudrait-il lui parler et l’écouter respectueusement. Au-delà, vous devez privilégier des rencontres de même niveau à savoir entre l’Afrique et l’Europe. Comme disent mes amis ivoiriens : la France-là même, c’est qui ?

Au fond Il s’agit de faire preuve d’intelligence car le futur nous attend impatiemment. Débarrassons-nous vite de ces scories du passé.

Par Pierre Sané, dans Seneplus