jeudi, mars 28, 2024

Vers l’interdiction du bitcoin dans l’Union européenne?

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Des autorités suédoises demandent à l’UE de mettre fin à une méthode de validation de cette cryptomonnaie, accusée d’être trop gourmande en énergie.

Menace sur le Bitcoin ? Après la Chine, qui a mis un coup d’arrêt sur les opérations de minage sur son territoire, des autorités suédoises ont dans leur viseur des cryptomonnaies qu’elles estiment trop gourmandes en énergie. L’autorité de supervision financière suédoise et l’agence suédoise de protection de l’environnement ciblent une méthode dite de « minage » utilisée pour valider des Bitcoin, le « proof of work » (« la preuve de travail »).

Leur communiqué commun, publié le 5 novembre, a suscité l’inquiétude : le site espagnol FXmag y voit « les premiers pas vers une interdiction des cryptomonnaies dans l’Union européenne », tandis que le Journal du geek se demande si « le Bitcoin [sera] bientôt banni de l’UE ».

Que contient ce communiqué ? Les deux agences y formulent trois demandes, dont une à l’échelle européenne. Ces autorités veulent que « l’UE envisage une interdiction au niveau européen de la méthode de minage à forte consommation d’énergie qu’est la « preuve de travail » ».

En revanche, elles n’écartent pas la porte à d’autres méthodes de production de cryptomonnaies, si celles-ci s’avèrent moins consommatrices de ressources. « Il existe d’autres méthodes de minage de crypto-actifs, qui pourraient également être utilisées pour le Bitcoin et l’Ethereum, et dont on estime qu’elles réduisent la consommation d’énergie de 99,95 % avec une fonctionnalité maintenue. » 20 Minutes passe en revue cette proposition.

  • Proposer d’interdire l’utilisation de la méthode « preuve de travail » dans l’UE revient-il à y interdire le Bitcoin ?

Cette méthode « preuve de travail » est la « marque de fabrique » du Bitcoin, explique à 20 Minutes Nathalie Janson, professeure associée d’économie l’école de commerce Neoma. C’est cette méthode qui fait « que certains pensent que le Bitcoin est supérieur » aux autres cryptomonnaies.

Ce processus met en concurrence des mineurs pour valider des transactions. « Etant donné que vous allez vérifier les blocs par cette mise en concurrence, vous avez une quasi-improbabilité de la falsification du processus, note la chercheuse. Si quelqu’un devait falsifier la validation, il faudrait qu’il refalsifie tous les blocs qui ont été validés précédemment. »

Cette méthode, réputée pour sa sûreté, présente des inconvénients, rappelle Nathalie Janson : « Il est vrai que la « proof of work » est consommatrice en énergie, et elle n’est pas non plus très rapide. »

  • Existe-t-il des alternatives à cette méthode « preuve de travail » ?

Le « lightning network » en est une. Elle « permet de garder la qualité du niveau de sécurité de validation, en ayant toujours de la « proof of work », mais en diminuant considérablement le nombre de fois où on y recourt », détaille la professeure. Cette méthode permet de baisser la consommation d’énergie, mais ne répond « qu’à moitié qu’à la proposition suédoise », note l’économiste, car les autorités suédoises proposent de bannir totalement la « preuve de travail ».

Autre piste, à laquelle font allusion l’autorité de supervision financière suédoise et l’agence suédoise de protection de l’environnement : la méthode « preuve d’enjeu ». Elles estiment qu’elle réduit « la consommation d’énergie de 99,95 % avec une fonctionnalité maintenue ». Ces deux agences reprennent ici les termes d’Ethereum, la seconde cryptomonnaie la plus répandue, qui va passer, pour une nouvelle version, à cette méthode. Ce chiffre spectaculaire se base sur une comparaison de la consommation d’énergie estimée de la « preuve de travail » et de la « preuve d’enjeu ». Il n’a, toutefois, n’a pas fait l’objet de validation par des chercheurs.

L’inconvénient de cette méthode est qu’elle est considérée moins sûre par les utilisateurs de Bitcoin et qu’elle présente plus d’instabilité, rappelle Nathalie Janson.

  • Le Bitcoin pourrait-il être produit avec ces autres méthodes de minage ?

Pour Natalie Janson, le « lightning network » pourrait être accepté par la communauté « pure et dure » du Bitcoin, car il conserve de la « preuve de travail ». En revanche, elle voit mal ceux-ci adopter le « proof of state ».

Pour ces utilisateurs, le « proof of work » est « ce qui a fait le succès » du Bitcoin et l’a fait « décoller en prix ». Difficile, donc, d’envisager un changement de méthode.

  • Qu’en pense la Commission européenne ?

Contactées par 20 Minutes, les deux agences suédoises n’ont pas confirmé si elles avaient apporté ces propositions sur la table à Bruxelles. La balance au sein de la Commission penche plus en faveur d’une régulation que d’une interdiction, comme l’avait indiqué en juin 2020 Valdis Dombrovskis, le vice-président en charge « d’une économie au service des personnes ».

  • Pourquoi ces agences suédoises veulent-elles se mettre à réguler les cryptomonnaies ?

Dans leur communiqué du 5 novembre, alors que se déroule la COP26 à Glasgow, elles dressent un réquisitoire sévère contre la méthode « preuve de travail », qu’elles craignent de voir utiliser des ressources énergétiques qui pourraient être utilisées pour d’autres priorités. « Cette année, entre avril et août, la consommation d’électricité pour le minage de Bitcoin en Suède a augmenté de plusieurs centaines de pour cent et s’élève désormais à 1TWh annuel, ont-elles constaté. C’est l’équivalent de l’électricité de 200.000 ménages suédois. »

Ces agences craignent qu’une partie de l’énergie renouvelable, nécessaire pour la transition énergétique du pays, ne soit plus disponible si des opérations de minage de plus grande ampleur venaient à se développer dans le pays nordique.

Avec 20minutes