jeudi, mars 28, 2024

Dette publique sénégalaise: Le FMI alerte sur les risques qui pèsent sur la viabilité

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La dette du secteur public du Sénégal devrait atteindre 73 % du produit intérieur brut (PIB) en 2021, avant de diminuer progressivement pour passer au-dessous de 60 %. C’est ce qui ressort de la quatrième revue du programme appuyé par l’Instrument de coordination de la politique économique (ICPE) et la première revue de l’accord de confirmation et de l’accord au titre de la Facilité de crédit de confirmation (FCC) achevés avant-hier.

Le Conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a achevé la quatrième revue du programme appuyé par l’Instrument de coordination de la politique économique (ICPE) et la première revue de l’accord de confirmation et de l’accord au titre de la Facilité de crédit de confirmation (FCC).

Selon un communiqué de l’institution rendu public avant-hier sur son site web, l’achèvement de la revue permet de décaisser 129,4 millions de droits de tirage spéciaux (DTS) (environ 180 millions de dollars, soit plus de 103,2 milliards de francs CFA), ce qui porte le total des décaissements au titre des accords à 258,8 millions de DTS (environ 360 millions de dollars, environ 206,4 milliards de francs CFA).

Approuvé le 10 janvier 2020, le programme triennal appuyé par l’ICPE du Sénégal repose sur trois piliers : réaliser une croissance inclusive et tirée par le secteur privé, consolider la stabilité macroéconomique au moyen d’une politique budgétaire prudente et d’une saine gestion de la dette, et gérer de façon durable et transparente les recettes tirées du pétrole et du gaz.

A l’issue des délibérations du Conseil d’administration, le directeur général adjoint et président par intérim du FMI a relevé que la pandémie de Covid-19 a mis un ‘’coup d’arrêt’’ à la forte croissance et aux progrès en matière de développement enregistrés depuis une décennie au Sénégal. Elle a été à l’origine de ‘’graves difficultés’’ pour de nombreux ménages, même si la riposte énergique des autorités a atténué ses répercussions sur l’économie sénégalaise qui est désormais sur la voie d’une ‘’reprise vigoureuse’’.

’Les perspectives sont favorables, à condition que les risques et la vulnérabilité croissante soient bien gérés. Les perspectives risquent d’être révisées à la baisse, notamment en raison des incidences persistantes de la pandémie, de l’augmentation des cours du pétrole, de l’instabilité de la situation sécuritaire dans la région, d’une mise en œuvre ralentie des réformes et de retards dans le lancement de la production de pétrole et de gaz. La dette publique ayant continué d’augmenter ces dernières années, il convient de suivre avec attention les risques qui pèsent sur la viabilité de la dette’’, alerte Kenji Okamura.

Selon le FMI, la dette du secteur public du Sénégal devrait atteindre 73 % du produit intérieur brut (PIB) en 2021, avant de diminuer progressivement pour passer au-dessous de 60 % du PIB. Le déficit du compte des transactions courantes en 2021 devrait, d’après la même source, se creuser à 10,6 % du PIB, puis diminuer à environ 5 % du PIB à moyen terme. ‘’Le système financier a bien résisté à la pandémie, grâce en partie à la politique accommodante de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qui a notamment fourni des liquidités supplémentaires aux banques’’, dit M. Okamura.  

Aller vers un rééquilibrage budgétaire à moyen terme

Les administrateurs du Fonds monétaire avertissent que la politique budgétaire doit rester ancrée par le critère de convergence de l’UEMOA qui limite le déficit budgétaire à 3 % du PIB à l’horizon 2024. Compte tenu de la réduction de l’espace budgétaire et de l’augmentation de la dette publique, ils conviennent qu’un rééquilibrage budgétaire à moyen terme axé sur les recettes sera essentiel pour favoriser la stabilité macroéconomique, atténuer la vulnérabilité liée à la dette et renforcer la stabilité extérieure de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

‘’Il est par ailleurs capital de limiter les subventions à l’énergie afin de dégager de l’espace budgétaire en faveur d’autres dépenses prioritaires. À cet égard, les administrateurs se félicitent qu’une augmentation des dépenses sociales soit déjà prévue au budget 2022. Les administrateurs encouragent les autorités à privilégier les emprunts concessionnels et soulignent qu’une amélioration de la gestion de la dette publique aidera à préserver la viabilité de la dette’’, lit-on dans le communiqué.

Appuyé par l’Instrument de coordination de la politique économique, Kenji Okamura a, par ailleurs, précisé que l’accord de confirmation et l’accord au titre de la facilité de crédit de confirmation, le programme de réformes des autorités reste approprié pour atteindre les objectifs du programme. A savoir, promouvoir une croissance forte et inclusive, tout en préservant la stabilité macroéconomique et en maîtrisant les risques pesant sur la viabilité de la dette. ‘’La politique budgétaire doit rester ancrée par un équilibrage crédible, fondé sur l’augmentation des recettes et axé sur l’objectif d’un déficit de 3 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici 2024, conformément aux engagements pris au sein de l’UEMOA. La communication et la mise en œuvre de la stratégie de mobilisation des recettes à moyen terme seront essentielles à cet égard, de même que des mesures destinées à limiter les subventions aux carburants, qui doivent s’accompagner d’une protection des groupes vulnérables’’, renchérit-il.

Le DG adjoint du FMI a notifié que la réalisation d’une croissance plus inclusive nécessitera également ‘’d’améliorer davantage’’ le climat des affaires, de ‘’renforcer’’ le dispositif de protection sociale, ‘’d’élargir’’ l’accès à une éducation de qualité et de lutter contre le chômage des jeunes. ‘’L’allocation de DTS dégage des marges de manœuvre pour soutenir la protection sociale, le secteur de la santé et la reprise économique. Les réformes en cours visant à améliorer la gestion des finances publiques contribueront à renforcer l’efficacité et la transparence des dépenses, en particulier celles liées aux DTS. Bien que le système financier ait résisté à la pandémie, il convient de corriger des faiblesses de longue date, notamment celles du cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, et d’accélérer les réformes visant à promouvoir l’inclusion financière’’, ajoute M. Okamura.

Le rapport final de la Cour des comptes attendu pour mars 2022

Il a souligné que l’accord combiné de 18 mois conclu avec le Sénégal au titre du mécanisme des accords de confirmation et de la FCC pour un montant total équivalant à 140 % de sa quote-part, a été approuvé le 7 juin 2021 dans le but d’accompagner la riposte des autorités à la crise de la Covid-19, de mobiliser des financements concessionnels supplémentaires et de renforcer la position extérieure de l’UEMOA. ‘’Les autorités tiennent leurs engagements, s’agissant de la transparence sur les dépenses liées à la Covid‑19 : elles ont publié des rapports d’exécution budgétaire détaillés, les résultats d’un audit spécial portant sur le fonds Covid-19 et ceux d’un audit consacré à la conformité des procédures de passation de marchés liés à la Covid-19. Le rapport final de la Cour des comptes sur le budget 2020 et l’exécution des dépenses liées à la Covid-19 est attendu pour mars 2022’’, indique-t-il.

Le DG adjoint du FMI rappelle aussi que la deuxième loi de finances rectificative pour l’année 2021 intègre de nouvelles dépenses exceptionnelles liées à l’utilisation d’environ deux tiers de l’allocation de DTS du Sénégal (0,9 % du PIB) pour soutenir la reprise ainsi que renforcer la protection sociale et le secteur de la santé, notamment la production de vaccins dans le pays. ‘’Conjugué à des dépenses supplémentaires consacrées aux subventions à l’énergie, cela portera le déficit 2021 à 6,3 % du produit intérieur brut. Les perspectives laissent entrevoir le maintien d’une activité plus vigoureuse, parallèlement à l’atténuation des répercussions de la pandémie, mais elles sont entourées de fortes incertitudes et risquent d’être révisées à la baisse. Les risques concernent des flambées successives de Covid-19, une détérioration de la situation sécuritaire dans la région, des retards dans le démarrage de la production de pétrole et de gaz, et une hausse rapide des taux d’intérêt au niveau mondial’’, estime-t-il.

Il convient de noter que le conseil d’administration a également achevé les consultations de 2021 au titre de l’article IV avec le Sénégal. Dans le communiqué de l’institution, il est relevé qu’une ‘’reprise vigoureuse’’ est en cours depuis mi-2020, tirée par la production industrielle et le secteur tertiaire, si bien que la croissance de 2021 a été révisée à la hausse, de 3,5 % à environ 5 %. ‘’La reprise devrait se poursuivre en 2022 et au-delà, et la production de pétrole et de gaz lui donnera un coup de fouet temporaire au cours de la période 2023-24. (…) Il est prévu que la prochaine consultation avec le Sénégal au titre de l’article IV se déroulera dans les 24 mois, conformément à la décision du conseil d’administration sur le cycle des consultations pour les pays membres ayant conclu un accord avec le FMI’’, renseigne le document.

MARIAMA DIEME ENQUETEPLUS