vendredi, mars 29, 2024

Cercles Mégalithiques de Wanar: 21 monuments sépulcraux gardiens de la mémoire

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Un patrimoine historique. Dans le contexte de la 11ème édition du Festival des arts et cultures (Fesnac) qui se tient dans la région de Kaffrine, le Centre d’interprétation de Wanar a été inauguré. Le fait, au-delà du simple événement festif, conforte le thème du festival qui interroge la question patrimoniale cette année. Les 21 cercles mégalithiques qui font cet espace rappellent ou enseignent une mémoire, une gloire, une civilisation et une histoire qui entendent construire longtemps encore les consciences. 

 

Wanar est une bourgade qui semble perdue au milieu de nulle part dans les confins sénégambiens. Le chemin de latérite cahoteux pour s’y rendre est des plus pénibles. Après une heure de route secouante, on découvre une steppe au milieu presque asphyxiant. Les petites bourrasques de poussière provoquent des toux sèches et des visages trop passablement maquillés de ceux qui viennent de descendre des voitures. Au loin, on ne voit que des buissons, du bétail errant, des arbustes et des arbres à dimensions variables. Seul le Centre d’interprétation de Wanar adoucit cet espace rustique et d’une sèche chaleur d’harmattan. Ce site du patrimoine mondial est justement aujourd’hui la vedette. Ce vendredi matin, les autorités du département de la Culture, le Ministre Pr Aliou Sow en tête, viennent l’inaugurer.

Le site est délimité par une clôture de mur haut de moins de deux mètres. Dans le périmètre, les cercles mégalithiques font le spectacle mieux que l’orchestre de percussions qui assurent le show. C’est en tout 21 monuments sépulcraux mégalithiques. Ils sont inscrits depuis 2006 sur la Liste du Patrimoine de l’Unesco et ont gagné leur notoriété mondiale. Mais dans ce village, la mémoire de ces « pierres » s’est égarée depuis bien longtemps, au cours des siècles ou millénaires. En atteste le témoignage de l’octogénaire El Hadj Daouda Cissé. Assis à l’ombre, loin du brouhaha des femmes qui attendent de l’eau potable pour démarrer la cuisine, il décortique tranquillement ses arachides devant ce ballet humain inhabituel.
« Jangu meu français. Ba ma xamee lii sax yàggul (du wolof, je ne suis pas instruit et ce n’est que récemment que j’ai su de quoi il s’agit) », sourit innocemment le vieil homme. Il raconte que, tout jeune garçon, des « Toubabs » (Blancs) venaient sur le site. Pour ses camarades et lui, à cette époque, c’était une simple aire de jeux. Mais ces Blancs coiffés de casques venaient leur offrir des pièces de monnaie et leur demandaient de creuser. « Quand nous atteignions une certaine profondeur, ils nous demandaient d’arrêter et de nous éloigner. Quelques fois, nous les voyions exhumer des objets et s’en aller. C’est tout ce que nous en savions. Nos pères et nos grands-parents ne nous en parlaient presque jamais », nous confie le vieux, qui dit être le grand frère du maire de la localité et se réjouir que la chaîne d’ignorance soit ainsi maintenant brisée.

El Hadj Daouda Sène affirme que les riverains, en ce temps, étaient simplement préoccupés par leurs activités champêtres et pastorales. De plus, dit-il, leur foi musulmane leur « dictait » de s’éloigner de ce qu’il pensait « haram ». Mais il considère qu’après qu’on leur ait expliqué la vérité de l’histoire, ils peuvent être plus tolérants. « Nous espérons aussi que les villages qui sont ici vont pouvoir bénéficier de toutes les retombées que ce site pourrait générer. Maintenant que nous avons cela ici, il est temps que les autorités nous dotent d’infrastructures modernes. Vous avez dû galérer avec l’état de la route en venant. Nous n’avons pas d’électricité et le forage qui est ici a été réalisé par le Président Abdoulaye Wade. Nous avons longtemps été marginalisés et j’espère que le site va nous désenclaver », prie le notable.

 

Le Ministre appelle à une transmission d’un héritage des ancêtres 

Le Ministre de la Culture et du Patrimoine historique justifie le projet par le besoin vital de ne pas laisser l’histoire orpheline. « Les croyances autour des mégalithes occupaient un statut à part en Sénégambie du fait des pratiques qu’elles révèlent et de l’importance des témoins légués à la postérité. Le devoir de mémoire nous oblige à veiller à la transmission d’un héritage que des mains anonymes et expertes ont modelé dans la pierre, afin qu’il traverse le temps », note Pr Aliou Sow. Le Ministre a rappelé l’engagement de son département, à travers la Direction du Patrimoine culturel, à favoriser le respect absolu du contexte patrimonial en maintenant ces mégalithes dans leur cadre originel.
« Cette mise en valeur contribue à élaborer une intelligibilité inédite de notre passé en se détournant ici de la muséification intra-muros qui dénature, dans bien des cas, notre patrimoine historique et lui fait perdre son essence. (…) Est-il besoin de rappeler que les mégalithes de Wanar sont des plus distingués et stylés avec la possibilité de posséder seize pierres bifides (en forme de V) ? Il faut y regarder de près pour en pénétrer le langage de ce patrimoine historique », fait observer le Ministre de la Culture. L’autorité affirme par ailleurs que la découverte du patrimoine culturel et historique participe indéniablement au développement du tourisme culturel au Sénégal, et donc à son économie. Sur ce point, il s’est satisfait de l’implication importante du Ministère du Tourisme dans la réalisation de ce centre.

 

Le Soleil, Par l’envoyé spécial Mamadou Oumar KAMARA