mardi, mars 19, 2024

Parcours- Kalista Sy veut porter à l’écran les histoires de sa communauté

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Elle n’est certes pas Ava Duvernay, mais elle n’a pas moins de mérite qu’elle. Leurs univers diffèrent, ainsi que leurs parcours et buts. Mais, ils n’en demeurent pas moins qu’elles ont en commun un combat : raconter des histoires qui leur ressemblent. Khadidiatou dite ‘’Kalista Sy’’ a su se faire un nom en Afrique et au-delà, en mettant des mots sur des maux qui touchent beaucoup de ses semblables. Cependant, elle a encore beaucoup à faire. Elle rêve d’avoir des studios comme Warners ou comme Universal qu’elle a pu visiter, grâce à une invitation du département d’État américain, à travers l’International Visitor Leadership Program (IVLP). Après avoir vu ce qui se fait de mieux ailleurs, elle est convaincue qu’il est possible d’être très structuré et d’arriver à avoir des studios de standing international. Mais il y a des préalables. ‘’On est dans un métier qui est méconnu. C’est à nous de faire en sorte que les gens puissent comprendre que ce métier n’est pas du divertissement. Il est essentiel et participe au développement économique du pays’’, dit-elle.

Au commencement était une petite fille, amoureuse du petit écran. Sa mère lui a rapporté qu’elle était toujours sage, en regardant la télévision. Une passion était née. En grandissant, Khadidiatou Sy, plus connue sous le nom de Kalista Sy, s’est d’abord retrouvée à la télévision.

En effet, après l’obtention de son baccalauréat, la jeune fille s’est inscrite à l’institut supérieur d’entrepreneurship et de gestion pour des études de journalisme. Sa Licence à la poche, elle intègre différentes rédactions dont celle de la 2STV. Elle y fait une très belle carrière, avant de se consacrer à l’écriture de scénarios, avec la mise à l’écran de l’une de ses premières chroniques, ‘’Maitresse d’un homme marié’’.

Elle a d’abord été postée dans un groupe Facebook ne regroupant que des femmes et très suivi, à l’époque. Ainsi, l’histoire y connaît ses premiers succès, avant que son autrice, Kalista Sy, qui les publiait sous le pseudonyme de Marème Dial, ne veuille en faire une série. C’est ainsi qu’elle rencontre Marodi qui accepte de mener le projet avec elle. ‘’Petite, en me concentrant sur les images à la télévision, je pense que je ressentais la magie que pouvaient procurer des images. Aujourd’hui, je suis fière d’apporter un peu de ma magie, en racontant des histoires’’.

Son amour pour l’écriture est aussi précoce que celui pour la télévision. ‘’J’ai toujours adoré lire et écrire. Étant une personne très introvertie, cela me permettait de m’exprimer’’, fait-elle savoir. En fine observatrice, elle a su inviter à débattre sur des problèmes sociaux, sociétaux.  Ce qui lui a valu ses premiers succès. Comme ‘’Ma Famille’’ a pu faire percer Delta, faire connaître des talents ivoiriens, ‘’Maitresse d’un homme marié’’ a pu sorti Kalista de l’anonymat et faire découvrir bien d’acteurs. Le casting était, d’ailleurs, l’un des grands atouts de cette série, en sus de l’histoire à laquelle se retrouvaient bien de téléspectateurs.

Naturellement, de Dakar à Niamey, en passant par Bamako, Abidjan et Ouaga, ‘’MHDM’’ a su conquérir des cœurs. Elle est même arrivée à toucher des enfants d’expatriés vivant en Europe et aux USA. Succès dont elle n’a jamais douté, même si, en arrivant dans le cinéma, elle atterrissait en terrain inconnu. ‘’Je ne me suis jamais demandé si cela allait marcher ou pas, dans la mesure où j’étais sûre de moi, de mes capacités. Pour moi, peu importe le genre, quand un travail est bien fait, les gens vont naturellement admettre le savoir, la persévérance de son auteur.  Et je me donne à fond, quand je travaille sur un projet, et c’est ce que j’ai fait avec ‘MHDM’. C’est pour cela qu’il y a Kalista’’, sourit-elle.

Kalista, plus qu’un simple prénom, aujourd’hui. C’est un référent. ‘’Il y a Kalista, parce qu’il est important de dire aux femmes qu’elles doivent croire en elles et avoir de l’expérience, se donner beaucoup plus que les hommes, pour qu’on puisse les respecter. Il est important, dans n’importe quel domaine où nous sommes, de briser le plafond de verre’’. Voici le message qu’elle porte aujourd’hui, le combat qu’elle mène.

Dans son équipe, elle ne se dit pas qu’il faut forcément des femmes. Mais elle encourage toutes celles qui veulent travailler dans le cinéma, qui se donnent les moyens d’aller de l’avant. A celles qui ont encore des doutes sur leurs capacités ou à qui on a fait croire que certains métiers n’étaient pas pour les femmes, elle les encourage et les aide à avancer.  

Leader-née

Tout ceci est possible, grâce à la mise en place de Kalista Production. Cela s’imposait. Kalista Sy, quand on la connait, l’on sait qu’elle n’est pas de ceux qui travaillent éternellement pour les autres. Elle est une leader-née. Et pour mettre en images toutes les histoires qui lui tiennent à cœur et auxquelles un potentiel collaborateur ne croirait pas toujours, il fallait cette boite de production. ‘’Kalista Production est la matérialisation d’un désir de raconter des histoires qui nous ressemblent, de faire des contenus qui sont nos réalités, de parler de sujets qui ne nous sont pas forcément inconnus, de porter les émotions qu’il faut’’, répète-t-elle.

Mais cela va au-delà. ‘’Le fait de vouloir rendre ’justice’ à toutes ces histoires de femmes qu’on semble oublier m’a inspirée. C’est aussi une manière d’offrir une sorte de thérapie à de nombreux maux de la société qui ne sont pas forcément difficiles à poser ou à aborder. Kalista Production, c’est fait par des femmes pour des femmes, mais les hommes y ont leur place, parce qu’ils peuvent aider ces femmes à matérialiser leurs histoires’’, précise-t-elle.

‘’Yaay 2.0’’

Aujourd’hui, Kalista Sy et Kalista Production sont en test grandeur nature. Elles viennent de mettre au monde leur premier bébé. ‘’Yaay 2.0’’ est leur première série et les deux premiers épisodes ont été diffusés sur la 2STV et sur la chaine Youtube Kalista Production. Elle met en avant une problématique qui semble sensible, dans les sociétés africaines. Une épine au pied des femmes, souvent.

‘’La question de la maternité est très importante dans nos sociétés et les gens ne se rendent pas compte qu’il y a beaucoup de désirs de maternité qui sont accompagnés très souvent de beaucoup de douleurs, de non-dits. Pour moi, il est important de poser aujourd’hui des sujets qui puissent parler à tout un chacun et de faire comprendre au public, à la société et aux hommes que les femmes sont en grande souffrance, de poser le débat pour permettre aux gens de pouvoir discuter de sujets hautement sensibles. Quand on parle d’infertilité, nous pensons subitement à la femme, alors qu’elle touche aussi les hommes. Il est important pour moi de dire aux femmes : n’ayez pas honte de ne pas avoir d’enfant, de vivre des situations compliquées’’, explique la scénariste et productrice.

‘’Yaay 2. 0’’ est assez bien accueillie. Sur les réseaux sociaux, beaucoup de gens en parlent, juste après deux épisodes. Ce qui augure des lendemains meilleurs qui poussent à croire que Kalista a raison, quand elle dit que ‘’cette série a sa propre bénédiction’’.

En effet, jusque-là, elle n’a pas rencontré de très grosses difficultés. ‘’Du casting à la recherche de partenaires, tout a été facile’’. Il n’empêche, elle a conscience que ‘’c’est un enjeu de revenir avec un nouveau produit. Le fait de démarrer avec une chaine digitale qui comptait zéro abonné veut dire qu’on va voir la communauté de Kalista Production adhérer à la vision, faire grandir la vision, porter la vision. Je me dis qu’il faut une communauté pour nous aider à aller loin. J’ai le sentiment qu’on va trouver cette communauté  bienveillante, remplie d’empathie et qui aura envie de plus. On va cheminer ensemble et faire beaucoup de choses ensemble’’, déclare-t-elle avec optimisme.

BIGUE BOB, Enquêteplus