lundi, avril 29, 2024

Comprendre la désinformation en Afrique

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Russie-Ukraine ; Israël-Hamas… La désinformation est l’une des questions brûlantes du contemporain. C’est particulièrement le cas sur le continent africain où elle constitue un double problème politique et géopolitique qui traverse l’ensemble des sociétés. Cette étude fouillée tente de saisir ses contours techniques, politiques et économiques — et d’imaginer des solutions.

Aux prémices de l’ère des réseaux sociaux, le continent africain a été témoin d’une augmentation rapide des campagnes de désinformation modernes1. Il est toutefois important de noter que ce fléau est antérieur à l’ère numérique2. Bien que la désinformation ait toujours fait partie de l’écologie de l’information et de la communication en Afrique, la nature instantanée des réseaux sociaux a augmenté la fréquence de campagnes d’informations méticuleusement élaborées, intentionnellement fausses et trompeuses. L’ampleur de la désinformation en Afrique reflète une tendance mondiale, soulignant le besoin urgent de comprendre ses origines, ses instigateurs et ses conséquences profondes3.

Ces dernières années, la désinformation a joué un rôle central dans les campagnes politiques, les crises de santé publique, les conflits et le soutien aux putschs en Afrique, ce qui incite à examiner de plus près son fonctionnement et son influence sur la vie des sociétés à travers le continent4. Si certains attribuent son succès à une remise en cause du néocolonialisme, accompagnée de la résurgence de la Russie en tant qu’acteur mondial,  ces analyses négligent un élément crucial : la désinformation en Afrique est avant tout africaine5. Sous couvert de réflexes post-coloniaux, ces évaluations sous-estiment l’histoire de la désinformation en Afrique, ses protagonistes locaux, ses forces motrices et ses répercussions endogènes sur la stabilité sociopolitique, l’économie et la santé publique6.

Les vecteurs de désinformation en Afrique 

Adaptation historique

Bien que l’attention portée à la désinformation se concentre sur les médias sociaux, le phénomène n’est pas nouveau en Afrique7. Il est historiquement répandu dans les journaux, à la télévision et dans d’autres formes de médias traditionnels, et il est antérieur à l’époque coloniale et à l’ère numérique. Pendant la période coloniale, la désinformation a joué un rôle important dans l’élaboration des récits et la perpétuation du contrôle sur les sociétés africaines. Les puissances coloniales ont utilisé diverses tactiques pour diffuser de fausses informations et manipuler les perceptions, notamment en diffusant des stéréotypes et des mythes racistes sur les cultures et les peuples africains, en fonction de leurs intérêts. Cette manipulation de l’information a perpétué des dynamiques de pouvoir inégales et érodé l’identité culturelle et l’estime de soi des communautés africaines. La désinformation a également été utilisée pour réprimer les mouvements de résistance et étouffer les voix des dirigeants africains et des intellectuels dissidents8.  L’impact de la désinformation à l’époque coloniale a laissé un héritage, façonnant des perceptions et des récits qui continuent d’influencer les discussions contemporaines sur l’histoire et le développement de l’Afrique, par exemple sur ses savoirs.

Le fléau de la désinformation est antérieur à l’ère numérique.

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L’ère postcoloniale immédiate en Afrique a vu l’adaptation et la poursuite de ces stratégies de désinformation, bien que dans des contextes évolutifs et menées par de nouveaux acteurs. La plupart des pays africains ayant accédé à l’indépendance dans les années 50 et 60, la lutte pour le pouvoir et la formation des gouvernements post-indépendance ont constitué un terrain fertile pour la manipulation de l’information. Les factions politiques, tant nationales qu’étrangères, se sont engagées dans des campagnes de désinformation pour façonner l’opinion publique, déstabiliser les gouvernements et promouvoir leurs propres intérêts politiques et économiques. Les anciennes puissances coloniales ont continué à exercer des pressions sur les régimes à parti unique amis, contrôlant souvent les chaînes de radio et de télévision publiques9. La désinformation a été utilisée comme un outil pour saper les opposants politiques, diffuser des récits erronés sur les factions rivales et semer la discorde au sein des nations nouvellement créées. Par exemple, pendant l’apartheid en Afrique du Sud dans les années 1970, le gouvernement de l’époque a utilisé l’argent des contribuables pour financer une campagne de désinformation bien huilée, connue sous le nom de « scandale de l’information » ou « Muldergate ». L’État d’apartheid a financé le journal Citizen pour redorer son image au niveau international. À la suite de ce scandale, le Premier ministre John Vorster est tombé et Pieter Willem Botha est entré en fonction. La dynamique de la guerre froide a encore intensifié ces efforts, les puissances mondiales cherchant à exercer une influence et un contrôle sur les gouvernements africains nouvellement installés. Les États-Unis et l’Union soviétique utilisent la propagande et la désinformation pour faire avancer leurs programmes géopolitiques respectifs.

Les conséquences de ces campagnes ont été considérables. Elles ont sapé la confiance dans les institutions nouvellement établies et entravé les efforts visant à favoriser l’unité nationale et à promouvoir la gouvernance démocratique. L’impact persistant de la désinformation au cours de cette période critique continue de façonner le paysage politique de l’Afrique.

Les complexités politiques des sociétés africaines et les particularités de leurs espaces civiques influencent toutes les manières dont la (dés)information est produite, distribuée et perçue. Les hiérarchies sociales et la répartition de l’autorité verbale dans les sociétés africaines jouent un rôle important dans la manière dont l’information se propage. Les traditions orales, qui comprennent la satire, les ragots et les plaisanteries, sous-tendent les adaptations créatives de la technologie par les utilisateurs africains des médias10.  L’information atteint même ceux qui n’ont pas d’accès direct à internet. Une grande partie de la désinformation est diffusée par des moyens oraux, tels que les émissions de radio et les conversations dans les espaces publics comme les mosquées, les églises, les marchés, les maisons familiales, les bars et les lieux de rassemblement du voisinage. En Afrique de l’Ouest, où l’accès direct à l’internet en 2021 concernait 17,3 % de la population11, les médias sociaux fonctionnent comme une « radio de trottoir »12, où les communautés se rassemblent autour d’un seul téléphone pour consommer du contenu ensemble. En outre, les messages publiés sur les médias sociaux circulent sur différentes plateformes, se retrouvant dans des groupes WhatsApp, des conversations au restaurant, des discussions à la télévision et des émissions de radio. A travers le continent, le chevauchement de plus en plus flou entre les médias traditionnels et sociaux, ainsi que le bouche-à-oreille, crée donc un écosystème d’information complexe, entrelacé, en ligne et hors ligne.

L’ascension fulgurante des plateformes de médias sociaux 

Les progrès de la téléphonie mobile ont été fulgurants, avec un taux de 85 % d’Africains possédant un téléphone portable en 2018, contre à peine 1 % en 200013. Cette croissance impressionnante a alimenté de nombreux projets visant à étendre les réseaux cellulaires et de fibre optique à travers le continent, conduisant à l’établissement de la première usine panafricaine de fibre optique au Maroc en mai 2018. En 2021, l’Union internationale des télécommunications (UIT) estimait qu’environ 33 % de la population africaine, soit 1,37 milliard de personnes, avait accès à internet, et qu’environ 255 millions de personnes utilisaient activement Facebook14. En 2010, le taux de pénétration d’internet en Afrique s’élevait à un modeste 2,1 %, il devrait atteindre 43 % en 202315. Ces tendances ont radicalement changé la communication, la connectivité et la diffusion de l’information sur le continent. Elles ont opéré un changement de paradigme dans la manière dont les Africains s’engagent dans la technologie, accèdent à l’information et participent au paysage numérique mondial.

Pendant la période coloniale, la désinformation a joué un rôle important dans l’élaboration des récits et la perpétuation du contrôle sur les sociétés africaines.

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En outre, YouTube, Twitter, Instagram et LinkedIn disposent également d’une base d’utilisateurs importante sur le continent16.  WhatsApp et Telegram jouent un rôle central dans le paysage en ligne du continent, étant donné que les smartphones sont le principal moyen de connexion à l’internet. Ces nouvelles applications ont révolutionné l’accès à une participation ouverte aux affaires sociopolitiques, car tous les citoyens, quels que soient leur sexe, leur richesse (la plupart de ces applications sont gratuites), leur rang social ou leur niveau d’alphabétisation, sont désormais en mesure d’écouter des Facebook live, d’animer des TikTok live, d’enregistrer des notes vocales et de partager des contenus. A titre d’exemple de l’impact qu’ont ces plateformes dans l’écosystème informationnel en Afrique, des chercheurs estiment qu’en Gambie, en 2021, WhatsApp avait dépassé les médias traditionnels tels que la radio, la télévision et les journaux pendant les élections présidentielles du pays, soulignant ainsi son immense influence17.

La montée en puissance des « spécialistes de la désinformation » africains 

Dans le contexte spécifique de la désinformation, un nombre croissant de mercenaires digitaux efficaces, disponibles et peu coûteux ont vu le jour ces dernières années sur tout le continent.

Ces spécialistes de la désinformation adoptent diverses tactiques sophistiquées, notamment l’utilisation de bots, de trolls et de deepfakes, et ont évolué au fil du temps, employant des stratégies qui camouflent leurs origines en externalisant les opérations de publication à des personnalités influentes locales ou « franchisées » des sphères commerciales, culturelles et même religieuses. Ces campagnes utilisent des tactiques telles que le partage en masse par des « influenceurs » et l’utilisation de faux comptes de médias sociaux et de pseudonymes. Des hommes politiques, des gouvernements autoritaires et démocratiquement élus, s’appuient sur ces jeunes chômeurs, souvent qualifiés en graphisme, en informatique ou en communication stratégique, pour mener à bien des campagnes de manipulation. Ces mercenaires ou « guerriers du clavier » sont faiblement rémunérés (par exemple, au Nigeria, ils étaient payés 14 dollars par mois pour leurs campagnes de désinformation coordonnées) afin de ternir l’image des concurrents politiques ou économiques.

L’information atteint même ceux qui n’ont pas d’accès direct à internet.

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La production de fausses informations et de désinformation est devenue un modèle commercial. Au-delà des individus, certains sont des entreprises de relations publiques clandestines ou secrètes qui diffusent de la désinformation sous la forme d’articles isolés ou de campagnes sophistiquées à grande échelle visant à discréditer les opposants politiques18.

L’agence GPCI, qui signifie « Groupe Panafricain pour le Commerce et l’Investissement » est l’un des exemples les plus probants de l’émergence de ces nouveaux acteurs de la désinformation en Afrique. Ce groupe est connu pour ses activités de trafic d’influence et de désinformation, opérant principalement au Burkina Faso, au Mali, au Togo, où il est enregistré et a ses bureaux, au Maroc et en République centrafricaine19.

Nouveaux modes d’expression et méfiance à l’égard des médias traditionnels 

La libéralisation et l’expansion de la scène médiatique depuis les années 90 et l’accès à de nouveaux moyens d’accès et de diffusion de l’information ont eu un impact considérable sur les sociétés africaines. Les critiques adressées aux élites dirigeantes pour leurs pratiques de gouvernance prédatrices de plus en plus visibles ainsi que pour leur incapacité à répondre aux aspirations à l’amélioration des conditions de vie et à l’accès aux services sociaux ont coïncidé avec une augmentation des voix et des récits alternatifs20.

En Gambie, en 2021, WhatsApp avait dépassé les médias traditionnels tels que la radio, la télévision et les journaux pendant les élections présidentielles du pays, soulignant ainsi son immense influence.

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Submergées par l’information, les générations en âge de voter remettent en cause le discours politique dominant. Cette tentative de réappropriation des enseignements du passé et d’une actualité débarrassée des commentaires jugés tendancieux et manipulés est porteuse d’une nouvelle conscience civique. Parfois ignorée et sous-estimée par les puissances occidentales, cette réappropriation de l’histoire et l’émergence de nouvelles aspirations socio-politiques à travers tout le continent est importante à respecter et à comprendre. Les nouvelles et les anciennes générations, parfois de manière différente, souhaitent la reconnaissance et à la valorisation de leur patrimoine, de la variété et de la puissance de leurs savoirs. Les priorités quotidiennes sont certes économiques et politiques, mais cela ne signifie pas que les sociétés africaines n’aspirent pas à une nouvelle compréhension des difficultés et des forces de leurs sociétés, de leurs repères et de leurs ressources mémorielles, nationales et panafricaines. Ces tendances alimentent une recherche constante de contre-informations, alternatives aux anciens discours, elles font aussi le lit des différentes formes de désinformation.

La désinformation en politique 

La diffusion délibérée d’informations fausses et trompeuses est devenue une tactique courante employée par ces acteurs pour manipuler les récits, discréditer les opposants et consolider leur emprise sur le pouvoir. L’utilisation de la désinformation s’étend à des paysages politiques plus larges et est déployée pour miner la dissidence, faire taire l’opposition, dissimuler la mauvaise gouvernance et consolider le pouvoir. Des gouvernements utilisent les nouvelles fausses et trompeuses comme des « arguments d’autorité » pour restreindre les droits civiques, la liberté d’expression, de manifestation, de rassemblement et de mouvement de leurs opposants politiques. En outre, la propagation de rumeurs sur les lieux de naissance présumés de personnalités politiques, souvent étrangères, et le rejet de leur légitimité à briguer le pouvoir sont des pratiques assez courantes sur les scènes politiques africaines et y créée des nouvelles tensions. Au Niger, Mohamed Bazoum, alors candidat à la présidence et membre de la communauté arabe (une minorité souvent discriminée), a été accusé d’être né en Libye et non au Niger21.

[Lire plus : notre conversation inédite avec Mohamed Bazoum, président du Niger séquestré.]

Une tendance inquiétante montre que les gouvernements autoritaires, mais aussi, de plus en plus, les gouvernements démocratiquement élus, ont utilisé la désinformation et la prétendue lutte contre la désinformation pour contrôler et réduire les espaces d’expression politique. Les gouvernements ont mis en place des lois pour contrer l’information à visage découvert qui sont de plus en plus utilisées pour protéger leurs propres campagnes de désinformation. C’est par exemple le cas de la loi ougandaise sur les communications de 2013, de la loi camerounaise sur la cybersécurité et la cybercriminalité ou de la proclamation éthiopienne sur la prévention et la suppression des discours haineux et de la désinformation22. Il en va de même pour la loi de 2021 sur la cyberprotection et la protection des données au Zimbabwe.

Les critiques adressées aux élites dirigeantes pour leurs pratiques de gouvernance prédatrices de plus en plus visibles ainsi que pour leur incapacité à répondre aux aspirations à l’amélioration des conditions de vie et à l’accès aux services sociaux ont coïncidé avec une augmentation des voix et des récits alternatifs.

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Les voix dissidentes sont réduites au silence et constamment délégitimées par la diffusion de fausses informations sur leurs actions et paroles présentes ou passées, faussement attribuées, ainsi que sur leurs relations personnelles et professionnelles. Par exemple, au Sénégal, lors de l’élection présidentielle de 2019, Ousmane Sonko (aujourd’hui principal opposant de Macky Sall) a été accusé d’avoir accepté d’importants pots-de-vin de la part d’une société pétrolière européenne. La rumeur était basée sur un article dont l’auteur n’a jamais pu être identifié23. Au cours de la même élection, Sonko a été accusé d’avoir reçu des fonds de campagne de la part de loges maçonniques. De faux documents ont été utilisés pour étayer cette rumeur24. Lors de la même élection, Sonko et Bougane Guèye Dany (un autre opposant à l’époque) ont été accusés d’avoir reçu des fonds de campagne de la part de loges maçonniques. De faux documents ont été utilisés pour étayer cette rumeur.  Sonko a été contraint de démentir cette rumeur lors d’une conférence de presse.

Les campagnes contre un adversaire politique peuvent cependant produire des effets contre-productifs et renforcer la légitimité de ce dernier. Cette tendance a été observée ces derniers mois au Sénégal où les autorités ont tenté, à l’aide de vérités partielles, d’informations manipulées et erronées, de contrôler le récit face à des internautes documentant les exactions commises par les forces de sécurité et de défense lors des violentes manifestations de juin 2023 suite à la condamnation à deux ans de prison du principal opposant Ousmane Sonko. À titre d’exemple, la police sénégalaise a diffusé une photographie révélant l’utilisation de machettes et de cocktails Molotov par les manifestants. Néanmoins, les factcheckers nationaux et internationaux ont révélé que la même image avait déjà été partagée sur Twitter le 23 mai 2023 par Doudou Ka, le ministre sénégalais des transports aériens et du développement des infrastructures aéroportuaires25.

La désinformation gagne les élections

Les campagnes de désinformation influencent de manière croissante les processus électoraux et leurs résultats en Afrique comme dans le reste du monde26. Une enquête a montré que 87 % des Kényans interrogés avaient été confrontés à la désinformation au cours de la période précédant l’élection présidentielle de 202127. Instiller la peur de la violence en diffusant de fausses informations pour faire baisser le taux de participation dans les zones favorables à un adversaire politique est une pratique courante, comme en Côte d’Ivoire lors de l’élection présidentielle de 202028. Ces dernières années, l’utilisation de bots s’est accrue et est devenue plus sophistiquée29. Lors de l’élection de 2018 au Nigéria, des enquêtes ont montré qu’un assistant présidentiel était impliqué dans la diffusion de campagnes de diffamation contre le leader de l’opposition, Atiku Abubakr, en publiant des images et des informations falsifiées, par exemple en alléguant qu’Atiku Abubakr était impliqué dans des campagnes de vente d’enfants des rues.

Les campagnes contre un adversaire politique peuvent cependant produire des effets contre-productifs et renforcer la légitimité de ce dernier.

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Les candidats aux élections disposant des ressources les plus importantes, et en particulier les dirigeants de gouvernements autoritaires, mènent de vastes campagnes de désinformation en utilisant de faux comptes rémunérés sur Facebook, Twitter, Tik Tok et Instagram. Ces « actifs inauthentiques », bots et « fermes à bots », visent à créer une illusion de consensus autour d’un candidat et à exacerber les tensions politiques dans le fief de l’adversaire. Les élections présidentielles de 2021 en Ouganda constituent une étude de cas intéressante. En effet, les enquêtes menées par le DFRLab ont montré que le président Museveni, son fils et le ministère de l’information, des communications et des technologies ont mené simultanément de vastes campagnes de désinformation visant à discréditer Bobi Wine, le chef de l’opposition, et à créer un faux sentiment de consensus et de soutien autour de la candidature de Museveni30.

De vastes campagnes de désinformation sont également menées par des dirigeants démocratiques à travers l’Afrique pour conquérir ou conserver le pouvoir politique. Le président du Sénégal, Macky Sall, aurait ainsi eu recours aux services de la nébuleuse « Team Jorge », spécialiste de « l’influence, de la manipulation électorale et de la désinformation », pour sa réélection en 201931. La tristement célèbre firme britannique Cambridge Analytica a notamment été impliquée dans la diffusion de campagnes de désinformation lors des dernières élections présidentielles au Kenya et au Nigéria32.

De nouveaux outils de propagande

Les juntes militaires au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et en Guinée ont diffusé des récits pour justifier leurs récents coups d’État33. Les fausses nouvelles qu’ils ont diffusées, visant à discréditer les démocraties, à promouvoir le besoin d’« hommes forts » pour faire face aux menaces à la sécurité et à se comparer à des figures historiques populaires telles que Thomas Sankara et Che Guevara. Dans le cadre d’efforts concertés avec des bailleurs de fonds étrangers, la junte a fait valoir que les modèles de la Russie et de la Chine, dirigés par des hommes forts et un gouvernement centralisé, leur ont permis de réussir économiquement et militairement34.

Au Soudan, une enquête du DFRLab a mis en évidence le fait que le puissant groupe militaire des Forces de Soutien Rapide (FSR) utilisait de fausses pages et de faux comptes Facebook, ainsi que des comptes Instagram, pour vanter sa propre action et les mérites de son chef, le général Hemeti35. Des pages Facebook, dont certaines ressemblent à des organes de presse comme Sudan Plus (qui comptait plus de 146 000 followers), et d’autres comptes non authentiques, présentaient constamment les FSR sous un jour positif, ne postant que des contenus soutenant l’action des FSR et présentant son impact positif pour le Soudan.

La désinformation est également utilisée par les politiciens pour soutenir ou s’opposer aux réformes nationales, aux initiatives locales et/ou aux idées. En 2021, les résultats d’une recherche menée par la Fondation Mozilla ont montré qu’au Kenya, des cyber-mercenaires ont été payés pour promouvoir des récits, tels que des hashtags, sur de multiples faux comptes afin de donner l’illusion d’un soutien populaire aux réformes constitutionnelles proposées par le gouvernement, qui, si adoptées, auraient favorisé les deux principaux leaders politiques (Kenyatta et Odinga). Il est intéressant de noter que les campagnes de désinformation politique (par exemple, en utilisant #JusticeForSale) ont ciblé les opposants à la réforme, y compris les membres de la Cour suprême du Kenya. Ces campagnes ont entraîné une perte de légitimité du système judiciaire dans son ensemble au Kenya, l’indépendance de ses fonctionnaires ayant été discréditée par les fake news. Ainsi, la désinformation menée par des acteurs politiques fragilise l’ensemble de la structure de l’État.

Désinformation et légitimité religieuse

Les acteurs religieux ont rejoint le train de la désinformation. Dans un environnement religieux où divers acteurs attachés aux croyances musulmanes et chrétiennes mènent des campagnes de prosélytisme religieux depuis des décennies en Afrique, parfois conflictuelles, la désinformation est devenue un outil puissant pour simultanément promouvoir certaines croyances et pratiques, et discréditer celles de concurrents sur la scène religieuse. Suivant les tendances d’abord utilisées par les évangélistes et les leaders salafistes avec la création de chaînes de télévision et de radio religieuses dans toute l’Afrique, des figures religieuses charismatiques utilisent des médias pour accroître leur pouvoir, pour diffuser des enseignements religieux parfois faussés et des récits égocentriques36. Cette manipulation de l’information tend à exacerber les tensions et les divisions interconfessionnelles.

Au Kenya, des cyber-mercenaires ont été payés pour promouvoir des récits, tels que des hashtags, sur de multiples faux comptes afin de donner l’illusion d’un soutien populaire aux réformes constitutionnelles proposées par le gouvernement.

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En Afrique, les acteurs religieux peuvent exploiter des croyances et des pratiques spirituelles profondément ancrées. En capitalisant sur la foi et l’identité religieuse des gens, ces acteurs peuvent diffuser des informations qui résonnent avec les convictions religieuses des individus, ce qui rend plus difficile pour les adeptes de discerner les fake news. Les campagnes de désinformation peuvent impliquer la diffusion de miracles, de prophéties et d’affirmations divines fabriquées de toutes pièces, dans le but de renforcer l’autorité et la légitimité des chefs religieux ou de leurs organisations. Ces pratiques peuvent conduire à l’exploitation et à la manipulation de populations vulnérables, souvent au niveau financier, ce qui renforce encore l’influence de ces acteurs religieux37.

Les campagnes de désinformation ont également un impact significatif sur la façon dont de nombreux citoyens perçoivent le monde, leurs communautés et leurs sociétés38. En effet, la désinformation menée par les acteurs religieux en Afrique dépasse souvent les contextes religieux et touche à des questions politiques et sociales. Elle peut concerner des programmes d’aide internationale ou des initiatives de développement, des processus électoraux ou la promotion de certains programmes politiques.

Au début des années 2000, la polio était sur le point d’être éradiquée au Nigeria lorsqu’un groupe de religieux et de dirigeants politiques de trois États du nord-est ont prétendu à tort que le vaccin contre la polio contenait des substances susceptibles de rendre les enfants stériles et qu’il faisait partie d’un programme de contrôle des naissances39. Ils ont demandé à leurs fidèles et à leurs sympathisants de ne pas faire vacciner leurs enfants. Il en est résulté une recrudescence des nouveaux cas. En conséquence, le Nigeria n’a officiellement éradiqué la polio qu’en 2020.

Les acteurs économiques

L’utilisation de la désinformation par les acteurs économiques en Afrique est devenue une préoccupation croissante, car elle pose des défis importants au développement économique, à la concurrence loyale et à la confiance du public. Les acteurs économiques emploient des stratégies de désinformation pour manipuler la dynamique du marché, influencer l’opinion publique et garantir leurs propres intérêts financiers.

La désinformation par les acteurs économiques est observée dans le domaine des ressources naturelles et des industries extractives. Des histoires fabriquées de toutes pièces sont diffusées pour manipuler l’opinion publique et tromper les parties prenantes sur les impacts environnementaux, les conséquences sociales et les avantages économiques des projets d’extraction. En occultant les véritables coûts et impacts négatifs de leurs investissements, les acteurs économiques peuvent s’assurer des contrats lucratifs, exploiter les ressources sans garanties adéquates et perpétuer un discours qui favorise leurs intérêts aux dépens des communautés locales et de l’environnement.

La désinformation par les acteurs économiques est observée dans le domaine des ressources naturelles et des industries extractives.

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En outre, la désinformation par les acteurs économiques entrave les efforts de lutte contre la corruption et de promotion de pratiques commerciales transparentes. Elle est par exemple utilisée pour discréditer les dénonciateurs, manipuler la perception du public et influencer les processus judiciaires, notamment en tentant d’éroder la confiance du public dans le système judiciaire. La famille Gupta, en Afrique du Sud, est un exemple classique de campagne de désinformation menée par des acteurs économiques40.  S’appuyant sur la société anglaise de relations publiques Bell Pottinger, la famille Gupta a créé un réseau sophistiqué de plateformes de médias grand public (comme le journal New Age et ANN7 TV) et de médias sociaux pour détourner l’attention des pratiques de corruption utilisées dans ses activités économiques. Les recherches suggèrent que leur réseau de fake news a produit au moins 220 000 tweets et des centaines de posts Facebook pour confondre le public sud-africain entre juillet 2016 et juillet 2017.

Les journalistes et les influenceurs

Les journalistes jouent un rôle important dans les campagnes de désinformation. Les partis pris politiques, les incitations financières ou les pressions exercées par des acteurs puissants ont conduit certains journalistes à s’engager dans des reportages partisans, à faire de la propagande ou à diffuser de fausses informations pour influencer l’opinion publique, en particulier pendant les périodes électorales. Il convient de noter que l’équipe israélienne Jorge s’est principalement appuyée sur des sociétés de médias africaines pour diffuser des campagnes de désinformation41.

Les influenceurs et les médias locaux, et non la Russie (qui les a seulement soutenus), ont été les principaux producteurs et diffuseurs de fake news au Mali. Le contenu, les nouvelles et les fausses nouvelles qu’ils ont diffusé ont donné une vue cohérente aux Maliens pour saisir et analyser les échecs de la France dans son opération militaire ou pour découvrir les « vraies » intentions de la France. Ces campagnes de désinformation ont contribué à façonner le véritable soutien populaire à la décision de la junte militaire d’expulser les diplomates et les militaires français du Mali en 202242. Les exemples abondent également en Afrique du Sud et au Zimbabwe où des journalistes ont été impliqués dans des campagnes de désinformation orchestrées, notamment lors d’élections et de procès criminels impliquant des personnalités politiques de premier plan43.

La pression des acteurs externes 

Promouvant leurs intérêts et appuyant leurs alliés sur le continent, de grandes et moyennes puissances jouent un rôle important dans la propagation de la désinformation en Afrique. Ces acteurs s’appuient cependant sur les dynamiques et acteurs endogènes de désinformation et ne peuvent être considérés comme sa source principale. En voici quelques exemples.

La désinformation russe au centre de l’attention

L’utilisation de la désinformation par la Russie en Afrique a fait l’objet d’une attention particulière ces dernières années. La Russie a stratégiquement employé des tactiques de désinformation pour influencer l’opinion publique et manipuler les processus politiques sur l’ensemble du continent, notamment par l’intermédiaire de médias contrôlés par l’État tels que RT et Sputnik. La Russie a recours à des sociétés de sécurité privées, et plus particulièrement le groupe Wagner, comme producteurs de campagnes de désinformation44. La Russie s’appuie également sur de faux centres de recherche et organismes de surveillance électorale, parfois gérés par des militants d’extrême droite en Europe, tels que l’activiste néonazi belge Luc Michel et une société qu’il a créée sous le nom de « Russosphère »45.

Les campagnes de désinformation russes semblent avoir soigneusement pris en compte les contextes socio-anthropologiques et politiques africains, ainsi que les facteurs locaux et les motivations de la diffusion de la (dés)information. Le recrutement d’experts locaux en politique et en communication, et le choix d’influenceurs (politiques, religieux, associatifs) par la Russie pour promouvoir ses fake news témoignent de cette capacité stratégique46. Au Mali, proche des réseaux salafistes, Yacouba Doucouré, fils du célèbre leader Silkasso Yacoub Doucouré et cofondateur du Groupement des Patriotes Maliens (GPM). Le GPM a organisé des interventions militaires anti-françaises et pro-russes dès 2018. Leurs campagnes en ligne étaient toutes soutenues par des trolls russes. M. Doucouré a été reçu par l’ambassadeur de Russie à plusieurs reprises.

Les campagnes de désinformation russes réverbèrent habilement les frustrations des citoyens et exploitent leurs griefs à l’égard des élites dirigeantes et leur méfiance à l’égard des médias traditionnels47. Ces campagnes de désinformation mettent notamment en avant les thèmes suivants, tout en jetant un éclairage positif sur la Russie : les discours anti-(néo)coloniaux, la lutte contre l’exploitation et les ingérences, la décadence morale de l’Occident en ce qui concerne la promotion des droits des LGBTQ+ et des femmes (par rapport à la défense russe de la religion et des valeurs familiales traditionnelles), ainsi que le besoin d’hommes forts comme Vladimir Poutine. La Russie ne fait souvent qu’exploiter les incohérences politiques et les doubles standards de ses adversaires, notamment en termes de promotion des droits de l’homme et des normes démocratiques. Le message principal est que les pays africains gagneraient à se distancier de leurs anciens colonisateurs européens et à développer des liens plus étroits avec la Russie.

Les acteurs occidentaux

L’utilisation de la désinformation par la France et les États-Unis en Afrique est un sujet de préoccupation et d’analyse croissant. Les deux pays ont été impliqués dans l’utilisation de tactiques de désinformation pour promouvoir leurs intérêts géopolitiques et économiques respectifs sur le continent48.

La Russie ne fait souvent qu’exploiter les incohérences politiques et les doubles standards de ses adversaires, notamment en termes de promotion des droits de l’homme et des normes démocratiques.

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En décembre 2020, Facebook a annoncé la suppression de comptes inauthentiques qui auraient été gérés par des agents français et qui visaient le Mali et la République centrafricaine (RCA). Bien que visant à combattre et à rejeter les campagnes de désinformation russes ciblant ses intérêts, ces campagnes de désinformation ont également cherché à façonner le récit autour de la politique française et de la situation sécuritaire dans le pays.

En outre, il est notable que des entreprises occidentales ont joué un rôle important dans l’émergence et la diffusion de campagnes de désinformation à grande échelle49.  La société anglaise Cambridge Analytica, aujourd’hui disparue, a également joué un rôle important dans la production et la diffusion de campagnes de désinformation lors de plusieurs élections présidentielles au Nigéria en 201550, et pour soutenir la réélection du président Uhuru Kenyatta au Kenya51.

Les acteurs du Moyen-Orient

La Turquie a été accusée d’employer des tactiques de désinformation pour promouvoir ses intérêts politiques et économiques en Afrique52. Par le biais de médias liés à son gouvernement, les campagnes de désinformation turques consistent souvent à promouvoir une image positive du pays, à mettre en avant ses initiatives de développement et à minimiser les critiques à l’encontre de son gouvernement.

L’Arabie saoudite a également été identifiée comme un acteur clé dans la diffusion de la désinformation en Afrique, en particulier par le biais de ses médias et des organisations médiatiques qu’elle soutient. Les efforts de désinformation de l’Arabie saoudite en Afrique tournent souvent autour de thèmes religieux et idéologiques, cherchant à influencer l’opinion publique et à maintenir son influence parmi les communautés musulmanes. L’Arabie saoudite et ses alliés traditionnels, tels que le Koweït et les Émirats arabes unis, ont également hébergé et parrainé des comptes de médias sociaux non authentiques pour dénigrer et encourager le renversement d’hommes politiques locaux qui ne sont pas alignés sur leurs intérêts, comme l’ancien président Omar al-Bashir au Soudan. Ils promeuvent également une image positive de leurs alliés, tels que le FSR, un ancien partenaire économique et politique, qui a contribué de manière déterminante au renversement du président al-Bashir en 201953.

Ces dernières années, l’Iran a également utilisé divers comptes de médias sociaux par procuration pour mener des campagnes de désinformation ciblées au Nigeria, au Sénégal et en République centrafricaine54. Ces campagnes étaient principalement motivées par des considérations politiques et géopolitiques55. Le Qatar a également été accusé à plusieurs reprises de soutenir des campagnes de désinformation menées par les Frères musulmans ou leurs affiliés dans des pays africains. Il est également accusé d’avoir soutenu des campagnes de désinformation en Libye pour soutenir ses alliés locaux56.

[Lire plus : notre étude exclusive et exhaustive sur les réactions des pays africains à la guerre de Soukkot.]

L’influence chinoise

L’utilisation de la désinformation par la Chine en Afrique a attiré l’attention, car le pays cherche à étendre son influence et à façonner les récits sur le continent. La politique chinoise du « guerrier loup », qui consiste à utiliser ses médias pour influencer les récits mondiaux, permettrait à la Chine de défendre efficacement et discrètement ses intérêts économiques et politiques57. Les récits stratégiques de la Chine tournent souvent autour des thèmes de la coopération Sud-Sud, des récits anticoloniaux, de la qualité de la stratégie d’investissements directs chinois et de son modèle de développement, ainsi que de la vision partagée d’une communauté ayant un avenir commun. Ces campagnes de désinformation visent également à contrer les discours d’autres acteurs, notamment en ce qui concerne la responsabilité de la Chine dans la crise du covid.

La désinformation chinoise en Afrique implique ses médias officiels, tels que China Global Television Network (CGTN) et Xinhua News Agency. Il convient également de noter que le réseau social chinois TikTok est devenu l’un des outils de désinformation les plus utilisés sur la scène politique du continent58. La désinformation sur TikTok a notamment été prépondérante lors des dernières élections au Kenya.

Les conséquences de la désinformation en Afrique sont africaines

En Afrique, l’impact de la désinformation pourrait être particulièrement important par rapport à d’autres régions du globe. Dans ces régions la désinformation s’appuie sur les antagonismes sociopolitiques, communautaires et/ou religieux existants et les alimente. Des politiques publiques et services publics déjà fortement critiqués peuvent voir leurs champs d’action encore restreints en raison de la diffusion de fausses informations. Le problème de l’analphabétisme, des recherches scientifiques insuffisantes en nombres et audiences, et les limitations à la liberté d’expression et d’information peuvent encore aggraver les effets des campagnes de désinformation59.

La montée de toutes les formes de violence

La désinformation joue un rôle important dans l’exacerbation des tensions existantes, l’alimentation des conflits et l’incitation à la violence au sein des sociétés africaines. Plusieurs facteurs clés contribuent à ce phénomène. Les campagnes de désinformation exploitent et amplifient souvent les divisions historiques, ethniques ou religieuses. Les tensions récurrentes entre le Maroc et l’Algérie sont alimentées par des campagnes de désinformation virulentes60. Cela a aussi été le cas lors des dernières élections au Kenya, où la désinformation a alimenté les griefs sous-jacents entre les communautés et a considérablement exacerbé les comportements violents qui ont conduit à la mort de centaines de personnes.

Le problème de l’analphabétisme, des recherches scientifiques insuffisantes en nombres et audiences, et les limitations à la liberté d’expression et d’information peuvent encore aggraver les effets des campagnes de désinformation.

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Les campagnes de désinformation peuvent également être délibérément conçues pour susciter la peur, la haine et le ressentiment au sein des communautés. Cette manipulation de l’opinion publique peut conduire à une augmentation de l’animosité, de la polarisation et, en fin de compte, à des actes de violence. Prenons l’exemple des violences xénophobes qui ont eu lieu dans la ville ivoirienne d’Abidjan en mai 2021. Ces violences ont été déclenchées par une vidéo partagée sur les réseaux sociaux. On y voit des militaires et des civils maltraiter des individus présentés par certains internautes ivoiriens comme des migrants ivoiriens détenus au Niger. Cette vidéo a poussé certains habitants d’Abidjan à s’en prendre à des membres de la communauté nigérienne de Côte d’Ivoire. En réalité, la vidéo a été sortie de son contexte61.

La désinformation est un outil essentiel dont disposent les gouvernements pour délégitimer, déstabiliser et justifier la violence à l’encontre des groupes armés et des rébellions actifs sur leur territoire et vice-versa. En Éthiopie, le gouvernement et les rebelles du Front populaire de libération du Tigré (TPLF) ont tous deux eu recours à des campagnes de désinformation à grande échelle, en diffusant de fausses nouvelles affirmant par exemple que l’armée éthiopienne bombardait le Tigré au phosphore blanc ou que des chefs rebelles étaient morts62. Au Cameroun, le président Biya et son gouvernement ont mené ces dernières années plusieurs campagnes de désinformation ciblant les séparatistes anglophones, faisant état des atrocités qu’ils auraient commises et incitant les Camerounais francophones à se défendre contre ces prétendues « agressions »63. Ces campagnes de haine ont servi à susciter la peur chez les Camerounais, à redorer l’image du président Biya et à justifier une fois de plus sa mainmise sur le pouvoir politique. Dans ce cas, la désinformation a également conduit à des violences mortelles contre la minorité anglophone. En fait, comme en Éthiopie, des activistes en ligne et/ou des mercenaires ont directement incité à des massacres communautaires sur Facebook et Twitter.

La désinformation joue un rôle important dans l’aggravation des divisions religieuses et l’incitation à la violence entre les différents groupes religieux dans de nombreux pays. Des flambées de violence liées à l’insécurité religieuse ont eu lieu au Mali et au Burkina Faso.  En République centrafricaine (RCA), des histoires inventées d’atrocités commises par un groupe religieux contre l’autre ont alimenté l’animosité et conduit à une vague d’attaques ciblées entre les communautés chrétiennes et musulmanes. Un autre exemple est la région soudanaise du Darfour, où des informations déformées, diffusées par les médias traditionnels et sociaux, ont contribué à l’escalade des conflits, entraînant des massacres, des déplacements forcés et la destruction de sites religieux64.

Au Nigeria, de faux récits propagés par des groupes extrémistes et amplifiés par des plateformes de médias sociaux ont dépeint les chrétiens comme des ennemis de l’islam, ce qui a conduit à des attaques meurtrières contre des églises, des chefs religieux et des communautés à majorité chrétienne. Suite à la diffusion de fausses images provenant de la RDC, des émeutes ont éclaté dans l’État du Plateau et ont entraîné la mort de 11 personnes, principalement des musulmans peuls, tués par des groupes d’autodéfense majoritairement chrétiens65.

En Afrique du Sud, la désinformation a également été utilisée dans le cadre d’attaques bien organisées contre des ressortissants étrangers. Que ce soit en ligne ou hors ligne, la désinformation a été utilisée pour justifier des attaques xénophobes contre des Africains du reste du continent qui séjournent illégalement en Afrique du Sud. Des mouvements insurrectionnels tels que #PutSouthAfricansFirst et #OperationDudula ont été à l’avant-garde de la diffusion de messages haineux à l’égard des étrangers66. Certaines de leurs désinformations ont été accusées d’avoir alimenté des attaques physiques contre des étrangers au Cap, à Durban et à Johannesburg.

La désinformation a été utilisée par la junte militaire pour justifier des actes de violence à l’encontre des opposants politiques, pour justifier leur maintien au pouvoir exécutif et pour neutraliser tout mouvement de protestation, notamment au Mali.

Enfin, la désinformation peut perturber les efforts de consolidation de la paix et saper les initiatives de résolution des conflits. En semant la méfiance et en encourageant les théories du complot, la désinformation peut saper la crédibilité des processus de paix, entraver les efforts de réconciliation et perpétuer les cycles de violence. C’est notamment ce qui se passe actuellement au Mali et en RDC.

La dégradation de la santé publique

La désinformation exacerbe les problèmes de santé existants. La désinformation en matière de santé est étroitement liée à la désinformation politique et religieuse. La peur, l’inquiétude, la stigmatisation et d’autres fausses informations sur l’épidémie de SRAS et les épidémies d’Ebola, provoquées par des campagnes de désinformation, ont souvent été menées par des acteurs religieux et politiques67.

Les campagnes de vaccination constituent un exemple frappant de dégradation de la santé due à la diffusion de fausses informations68. Pendant la pandémie de COVID-19, la désinformation a alimenté l’hésitation et le scepticisme à l’égard des vaccins, entravant les efforts de vaccination et compromettant la capacité des gouvernements sur le continent à contrôler la propagation du virus. Des études ont révélé que le choix des sources d’information avait un impact considérable sur l’hésitation à l’égard des vaccins contre le COVID-1969. Au Nigeria, par exemple, de fausses affirmations selon lesquelles les vaccins COVID-19 étaient nocifs et pouvaient altérer l’ADN ont suscité une méfiance généralisée, ce qui s’est traduit par de faibles taux de vaccination et un risque d’infection plus élevé70. Selon d’autres théories du complot, le COVID-19 était une arme biologique créée par les États-Unis pour briser l’influence chinoise en Afrique.

La peur, l’inquiétude, la stigmatisation et d’autres fausses informations sur l’épidémie de SRAS et les épidémies d’Ebola, provoquées par des campagnes de désinformation, ont souvent été menées par des acteurs religieux et politiques.

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Avant l’apparition du COVID-19, les campagnes de désinformation avaient déjà un impact massif sur l’utilisation des résultats de la recherche dans la prise de décision par les décideurs politiques. Le rôle de la désinformation dans l’exacerbation de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest est un autre exemple poignant. De fausses affirmations ont circulé, selon lesquelles la maladie était une conspiration et une invention occidentale, ce qui a suscité de la méfiance à l’égard des interventions de santé publique et la résistance aux efforts d’endiguement de l’épidémie. Cela a favorisé la propagation du virus et entravé l’efficacité des mesures de riposte, ce qui a entraîné de nombreuses pertes en vies humaines et prolongé l’épidémie71. La même tendance a été observée lorsque l’épidémie de VIH et de sida est arrivée en Afrique à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Elle a été rejetée comme une invention occidentale destinée à dépeupler le continent africain72.

Un autre effet fréquent de la désinformation est le non-respect des directives sanitaires gouvernementales pour lutter contre une maladie ou une pandémie. Les personnes mal informées ont tendance à adopter des actions et des comportements dangereux, notamment en se tournant vers des médicaments nocifs pour guérir un virus. Le personnel de santé nigérian a identifié de nombreux cas de surdose de chloroquine (médicament utilisé pour traiter le paludisme) après que des médias ont prétendu qu’elle était efficace pour le traitement du COVID-1973. Les informations trompeuses rendent enfin des recommandations essentielles pour la santé de tous, telles que la préconisation sur le lavage des mains, l’isolement social ou la distanciation sociale moins audibles et donc moins suivies74.

Les professionnels de la santé deviennent en effet moins audibles en raison de la diffusion de fausses informations mettant en doutes leur expertise75. La désinformation visant à diminuer l’autorité des scientifiques est parfois associée aux intentions d’acteurs économiques qui tentent de vendre des traitements médicaux non recommandés par des experts. En Afrique du Sud, de fausses affirmations ont été diffusées selon lesquelles la consommation de certaines préparations à base de plantes pouvait guérir le VIH et le sida, ce qui a conduit des personnes à abandonner des traitements fondés sur des preuves médicales et à mettre leur santé en péril.

L’impact de la désinformation sur la santé sexuelle et reproductive est une autre préoccupation majeure. Une organisation espagnole d’extrême droite, CitizenGQ, a orchestré une campagne de désinformation qui s’est opposée à l’adoption de deux projets de loi sur le droit à la procréation par le parlement kenyan76. Dans de nombreux pays africains, de fausses informations circulent sur la contraception, les infections sexuellement transmissibles et les services de santé. Cette désinformation peut conduire à des pratiques nuisibles à la santé, à des grossesses non désirées et à la propagation de maladies sexuellement transmissibles.

La cohésion sociopolitique menacée

La désinformation constitue une menace importante pour la cohésion sociale et politique en Afrique. La désinformation cible différentes communautés, exacerbe les rivalités politiques existantes, polarise les communautés et sape le tissu social des pays. Au Nigeria, la désinformation ciblant les candidats à la présidence s’est souvent appuyée sur leurs croyances religieuses et leur appartenance communautaire, ce qui a contribué à la montée de la violence contre les communautés religieuses. Originaire du Nord et musulman, l’ancien président Buhari a par exemple été accusé de soutenir le groupe djihadiste Boko Haram77.

La désinformation a notamment fait reculer l’Afrique en matière d’égalité des sexes et de droits des femmes, notamment parce que les femmes politiques africaines sont de plus en plus ciblées par des « fake news » dégradantes, qui répandent l’idée qu’elles ne seraient pas aptes à gouverner78.

Dans toute l’Afrique, certains acteurs religieux ont diffusé des fausses nouvelles sur les politiques liées aux droits des personnes LGBTQ+, qui ont eu un impact important sur ces communautés79. Les infox diffusées par les acteurs religieux dénoncent souvent l’homosexualité comme une « maladie » à combattre par tous les moyens. Par le biais de fake news, ils attaquent souvent des associations et des personnalités soutenant les droits des LGBTQ+, les accusant d’être eux-mêmes homosexuels. Le succès de ces campagnes au cours des dernières décennies est visible dans de nombreux pays où les droits des femmes et des communautés LGBTQ+ ont reculé80. Les violences associées à des accusations non vérifiées d’« être homosexuel » se sont multipliées au Sénégal, en Ouganda et en Égypte.

La désinformation réduit la confiance dans la démocratie dans toute l’Afrique. La désinformation sape également la crédibilité des médias indépendants, ce qui affaiblit encore les fondements d’une gouvernance responsable. La désinformation affecte également de manière critique des médiateurs sociopolitiques prééminents dans les démocraties africaines tels qu’Alioune Tine, célèbre figure sénégalaise qui a récemment été victime de harcèlement en ligne, souvent dans des termes violents et de manière à saper sa crédibilité81.

Les implications régionales et mondiales

La diffusion de la désinformation en Afrique a des conséquences importantes aux niveaux mondial et régional. Aux niveaux mondial et régional, l’incertitude et les fausses informations sur les tendances économiques, les investissements ou les relations commerciales, ainsi que la volatilité sociopolitique aggravée par les campagnes de désinformation, peuvent avoir un impact sérieux sur les marchés économiques. La diffusion des risques sanitaires et le manque de capacités de certains États africains à prévenir les futures épidémies de maladies infectieuses et à réduire leur diffusion en raison de la diffusion de la désinformation pourraient avoir de graves conséquences sur la sécurité sanitaire régionale et mondiale.

Les campagnes de désinformation ciblant des communautés spécifiques ont également suscité des tensions intercommunautaires et des solidarités intracommunautaires au-delà des frontières des États. En fait, les campagnes de désinformation visant les communautés Fulbe en Afrique occidentale et centrale, et leur amalgame avec des groupes armés non étatiques, ont constitué une tendance particulièrement inquiétante au cours de la dernière décennie82. Ces campagnes de désinformation sur les communautés Fulbe ont eu des conséquences considérables, car ces histoires fabriquées sont présentes (avec des variations) sur les scènes sociales et politiques de la plupart des États d’Afrique de l’Ouest.

Des récits erronés sur des accords internationaux ou des événements géopolitiques ont conduit à des malentendus et à des tensions entre nations à travers l’Afrique. L’impact de la désinformation a été mis en évidence lors de la récente crise qui a opposé les États malien et ivoirien à la suite de l’arrestation de soldats ivoiriens au Mali83. Des campagnes de désinformation sur les motivations présumées de la présence du contingent ivoirien au Mali et sur une éventuelle intervention militaire ivoirienne pour libérer ses hommes ont prospéré et ont fortement influencé la perception de la crise de part et d’autre.

La désinformation peut également affecter les relations entre les nationalités au-delà du continent africain. Comme nous le voyons actuellement en Tunisie, en Afrique du Sud et dans de nombreux pays d’Europe occidentale, les campagnes de désinformation visant les communautés de migrants subsahariens ont des conséquences humanitaires désastreuses et de grande ampleur84.

Des récits erronés sur des accords internationaux ou des événements géopolitiques ont conduit à des malentendus et à des tensions entre nations à travers l’Afrique.

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Un autre exemple intéressant est la couverture de la crise ukrainienne en Afrique. Une étude montre que la plupart des Africains ont diffusé de la désinformation critiquant l’Occident, les États-Unis et l’Europe, pour le deux poids deux mesures de leurs politiques et attitudes à l’égard des réfugiés africains et de l’aide à l’Afrique, des étudiants africaines en Ukraine ou la comparaison entre les entreprises coloniales et la guerre de Poutine85. Ainsi, le succès des campagnes de désinformation concernant les acteurs locaux et internationaux doit être compris en parallèle avec l’évolution des sociétés africaines dans leur ensemble (voir ci-dessus) et en fonction des intérêts à court terme de ses principaux acteurs.

La nécessité d’une réglementation plus équitable et d’une vérification complète des faits

Il est essentiel que les pays africains reconnaissent la gravité du problème de la désinformation et mettent en œuvre des stratégies globales qui donnent la priorité à la protection de la liberté d’expression, au renforcement des médias indépendants et à l’implication active des acteurs de la société civile dans la lutte contre la désinformation. En ce qui concerne les acteurs internationaux, il est enfin indispensable de reconnaître que la désinformation en Afrique n’est ni russe, ni française, ni chinoise, ni américaine, mais avant tout africaine. En effet, le succès de la désinformation en Afrique s’explique par des contextes socio-économiques, historiques et politiques propres au continent. Ses principaux acteurs sont africains et le succès de la désinformation a également des conséquences propres au continent. Naturellement, la lutte contre la désinformation sur le continent nécessitera également des solutions sur mesure, adaptées aux réalités locales, inventées et mises en œuvre par des acteurs africains.

Quelle voie suivre ?

L’absence d’une presse indépendante est un problème grave, qui exacerbe la résonance de la désinformation. Le secteur des médias est confronté à des défis structurels, notamment un modèle économique fragile qui le rend vulnérable à la manipulation par les élites politiques et économiques. Le déclin de la presse indépendante et le manque d’investissement dans le journalisme d’investigation contribuent également à la propagation de la désinformation. Toutefois, les organisations de la société civile, y compris les vérificateurs de faits, peuvent jouer un rôle crucial dans la lutte contre la désinformation en renforçant la vérité et en démystifiant les fausses informations. Ces acteurs ont le potentiel de mener des campagnes d’alphabétisation numérique au niveau local qui répondent à des préoccupations immédiates telles que le changement climatique, la propriété foncière et l’extrémisme religieux. Pour lutter efficacement contre les campagnes de désinformation régionales, des organisations comme Code for Africa soulignent l’importance d’une présence locale et d’une équipe diversifiée parlant couramment plusieurs langues dans la région. Dans le même ordre d’idées, Africa Check, la toute première organisation indépendante de vérification des faits basée en Afrique, travaille depuis plus de dix ans à promouvoir la vérification des faits sur tout le continent et à rassembler tous les vérificateurs de faits africains. En 2022, à Nairobi, Africa Check a organisé la toute première réunion annuelle d’Africa Facts, le réseau des fact-checkers africains. Des organisations telles que Congo Check, certifiée par l’International Fact-checking Network, ont été créées grâce au mentorat d’Africa Check et jouent un rôle crucial dans la lutte contre la désinformation en RDC, en particulier dans l’est du pays, en proie à la violence.

Une législation plus stricte pourrait être un moyen de s’attaquer à la désinformation dans la région. Cependant, le fléau de la désinformation n’a pas été pris suffisamment au sérieux par les politiciens du continent, qui ont lancé un mouvement insuffisant, et plutôt contre-productif, de « réglementation » du cyberespace. En fait, les tentatives des législateurs nigérians d’adopter le projet de loi sur la protection contre la falsification et la manipulation sur Internet en 2019 illustrent la tendance alarmante des gouvernements à utiliser la désinformation comme prétexte pour faire taire la dissidence en ligne86. Cette approche a été adoptée par plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, notamment la Guinée, le Mali, le Niger, la Sierra Leone, le Togo et le Nigéria, qui ont introduit des lois sur la cybercriminalité et la cybersécurité depuis 201587. La même tendance a été observée en Éthiopie et au Zimbabwe. Les fermetures d’Internet ou de plateformes par des gouvernements sont devenues trop courantes sur le continent, seuls quelques pays en étant exemptés. Ces lois et pratiques n’étouffent pas seulement le discours politique et médiatique, elles portent également atteinte à la liberté d’expression sans s’attaquer efficacement aux dommages causés par la désinformation ou à ses causes sous-jacentes. En conséquence, les gens sont poussés à l’autocensure, ce qui affecte encore davantage le flux d’informations.

Enfin et surtout, on constate un manque d’engagement entre les pays africains et les géants de l’internet, contrairement à ce qui se passe en Europe. Les fournisseurs d’accès à Internet et les réseaux sociaux ont tendance à donner la priorité à la suppression des contenus inauthentiques dans les pays politiquement influents, tout en accordant moins d’attention à l’Afrique88. Cette présence réglementaire limitée s’est traduite par une modération inadéquate des contenus et une mise en œuvre insuffisante des normes par les plateformes technologiques mondiales comme Facebook ou X (ex-Twitter). Au Sénégal, le regroupement des entreprises du secteur des technologies de l’information et de la communication (Restic) va déposer une plainte contre TikTok auprès de la Commission sénégalaise pour la protection des données personnelles, pour non-respect par le réseau social d’origine chinoise de la législation sur les données personnelles, notamment en ce qui concerne les enfants et les mineurs. Mais les exemples de ce type sont très rares. Lors de la Conférence mondiale de l’UNESCO qui s’est tenue en février 2023, les réseaux de régulateurs ont souligné leur volonté de développer des systèmes de contrôle cohérents dans toutes les régions du monde afin de mieux répondre à ces objectifs tout en minimisant la fragmentation de l’espace numérique89. Par conséquent, les lignes directrices de l’Internet for Trust pour la régulation des plateformes numériques constituent une étape importante dans la responsabilisation des Big Tech et l’intégration de la transparence dans leurs logiques opérationnelles, y compris sur le continent africain.

Pour l’Afrique, il est essentiel de passer du discours à l’action. Une action politique urgente doit être menée pour lutter contre la désinformation, ses acteurs et ses sources et prévenir ses graves conséquences affectant la vie de millions d’individus sur tout le continent.

SOURCES
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Par:

Guillaume Soto-Mayor, Admire Mare, Valdez Onanina

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Source: legrandcontinent.eu