mardi, avril 30, 2024

E-commerce et Afrique: « je t’aime moi non plus » ?

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Depuis plus d’une décennie, des projets de commerce en ligne ont fleuri dans le continent africain, mais n’ont pas su se maintenir à cause de plusieurs réalités. Pourtant, le potentiel est là et les plus grandes enseignes françaises comme Cdiscount ont eu à tester le marché, mais ont fini par se heurter à plusieurs réalités africaines qui auraient sûrement échappé à leurs études de marché.

Cet article tente de mettre le doigt sur certains points « interconnectés » et dont leur absence ou négligence peut avoir des conséquences drastiques pouvant empêcher l’émergence du e-commerce en Afrique.

Loin de vouloir faire une listing, nous essayons de faire une liaison entre les différents points ci-après :

Fluidité des transactions et droit à la rétractation

La fluidité des transactions est un élément essentiel de même que le droit à la rétractation. Ces deux éléments font partie des moteurs du e-commerce car permettant d’instaurer un climat de confiance entre fournisseur et consommateur. Le hic est qu’en Afrique, on s’est trop tôt résigné en adoptant le mobile payment au détriment des payment gateways classiques comme Stripe, Paypal… De plus, d’autres e-commerçants ont préféré le paiement en liquide au lieu du paiement électronique.

C’est quoi le rapport avec le droit à la rétractation ?

D’abord, il est important d’expliquer la notion de passerelle de paiement dans le e-commerce. 

En effet, elle permet aux fournisseurs d’encaisser l’argent avant de livrer le produit et évite les déplacements (les portefeuilles mobiles nécessitent d’être rechargés et ça nécessite des fois un déplacement jusqu’au point de rechargement).

Le rapport entre la fluidité des paiements et le droit à la rétractation

Il y a interopérabilité des services de paiement quand la transaction se fait entre deux institutions bancaires. Au moment de l’achat, le client met les informations de sa carte donnant droit à sa banque de libérer un montant vers la banque du vendeur. Mais, la transaction n’est pas clôturée à 100% car le client n’a pas encore reçu son produit. Une fois sur ces mains, il peut décider s’il le prend ou s’il va le retourner car il a un droit lui permettant de désister quand bon lui semble. Ce droit dure 7 jours au Sénégal et 14 jours dans d’autres pays comme la France.

Mamadou Moustapha Sarr
Digital and affiliate marketer

Notons juste que le droit à la rétractation est différent de la garantie du vendeur. Cette dernière concerne la non-conformité du produit ou les imperfections alors que le droit en question n’a pas de limite sauf la durée de validité (7 ou 14 jours dépendant des pays).

Si le client veut se rétracter, le fournisseur a le devoir de le rembourser. Sinon, ce premier peut juste contacter sa banque pour demander un charge back (refacturation).

A ce niveau, le problème devrait plutôt être réglé par les deux institutions financières et celle du vendeur a le devoir de rembourser intégralement l’argent plus des pénalités.

A un certain moment, le business du fournisseur peut être considéré par l’institution ou la passerelle de paiement comme étant High Risky (Business à haut risque). Des passerelles de paiement comme Stripe et Paypal bannissent chaque jour des centaines de business pour des cas similaires.

De ce fait, le fournisseur sera obligé de donner plus de considération aux clients en proposant des produits de qualité et en respectant leur droit à la rétractation.

Le droit à la rétractation, garant de la confiance du consommateur envers le fournisseur

Qu’est-ce que le droit à la rétractation ? Selon le juriste spécialiste en droit des TICS M. Emmanuel DIOKH « C’est dans le processus de formation du contrat électronique qu’il faut trouver un moyen de gagner la confiance du consommateur. C’est pourquoi, dans le but de pallier à l’absence de contact physique durant l’opération, le législateur a instauré des règles pour apporter des garanties aux consommateurs.

M. Emmanuel DIOKH, juriste spécialiste en droit des TICS

Dans le commerce électronique le vendeur à l’obligation (1), après avoir proposé le formulaire pour documenter l’opération d’achat, de permettre au destinataire de l’offre de vérifier le détail de sa commande et son prix total, et d’exiger la correction d’éventuelles erreurs, avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation. C’est le sens de la théorie du double clic, le cas contraire, vous risquez de subir l’exercice du droit de rétractation du consommateur.

De quoi il s’agit : En l’absence de marchandage, c’est un moyen permettant au destinataire de l’offre de revenir sur sa décision même après avoir réalisé l’acte d’achat.
C’est ainsi que nous apprenons dans l’article 12 du décret N°2008-718 du 30 Juin 2008 que : Pour tout contrat conclu par voie électronique, le consommateur dispose d’un délai de sept jours ouvrables pour se rétracter, sans indication de motif et sans pénalités. Toutefois, si le fournisseur électronique de biens ou de services n’a pas satisfait aux obligations d’information prévues à l’article 10 de la loi sur les transactions électroniques, le délai de rétractation passe à trois mois. L’exercice de ce droit accepte tout support durable.
En effet, durant le processus d’achat, il faut mettre à la disposition des destinataires toutes les informations afin qu’ils puissent acheter en connaissance de cause. Vous pouvez trouver la liste de ces informations aux articles 10 de la loi 2008-10 du 25 Janvier 2008 et 8 du décret précité.

Dans l’hypothèse où le fournisseur de biens ou service n’a pas satisfait à l’obligation d’informer les consommateurs, le délai de sept jours ouvrables, prévu à l’article 12 commencera à courir à compter du jour de la réception des informations par le consommateur. Concernant les services c’est à partir du jour de la conclusion du contrat et pour les produits dès réception du produit en question. Pour exercer ce droit il faut que le consommateur puisse essayer le produit ou en faire usage au préalable.

Alors comment éviter les rétractations fantaisistes ?

Il est bien évident que le droit de rétractation ne saurait être valable dans le cas d’un logiciel, un jeu vidéo ou un album de music qu’on achète via une plateforme de commerce électronique. Parce qu’il est simple ici, d’en faire une copie. Il en est de même pour une commande de poisson reçu en bonne et due forme depuis Ziguinchor et qui risque de se détériorer ou de se périmer pendant le retour.

C’est le cas en matière de ventes conclues lors des enchères, des polices d’assurance de moins d’un mois, des fournitures de journaux, périodiques et magazines et enfin pour des services financiers dont le prix dépend des fluctuations du marché financier pouvant survenir durant la période de rétractation.

Selon M. DIOKH, le consommateur a le droit de revenir sur sa décision en faisant une demande de retour et ce, sans donner de motif.

Mais l’absence de rigueur au niveau des instances de décision et le manque d’informations rendent difficile l’application stricte de cette loi. Hé oui, sans un contrat de confiance entre le fournisseur et le consommateur, la confiance devient quasi inexistante.

De plus, notons que sans la mainmise de l’Etat dans le contrôle du respect des politiques de retour et des CGV (Conditions Générales de Vente), les fournisseurs auront toujours raison sur les consommateurs et appliqueront leur propre loi.

Un exemple, sur une boutique en ligne, nous pouvons lire dans les politiques de retour que les frais de retour sont à la charge du client sauf si le produit envoyé est cassé ou abîmé. Mais, en cas de demande de remboursement, cette même boutique vous exige de déposer le colis au point de relais le plus proche. Il n’y aura pas certes de frais de livraison, mais il y aura des frais de transport pour pouvoir déposer le colis et du temps perdu. De plus, une fois le produit retourné, au lieu de vous rembourser votre argent, la boutique vous donne un code à dépenser dans la plateforme et sans votre consentement. Une bonne façon de donner une mauvaise expérience à un consommateur qui devrait être fidélisé.

Local Versus Communautaire

Ces termes peuvent être nouveaux pour vous dans le monde du e-commerce, mais nous tâcherons de vous éclaircir la lanterne.

Nous savons tous que le Sénégal compte moins de seize millions d’habitants, une démographie très faible pour pouvoir représenter un marché. Mais savez-vous qu’internet a disrupté le marché et le business en général ?

Une fois connecté, vous pouvez voyager, communiquer et atteindre n’importe qui et partout dans le monde.

De ce fait, nous nous devons de revoir notre manière de commercer en adoptant une stratégie d’ouverture et de « nichage » communautaire. De nos jours, les barrières physiques ont laissé place aux barrières linguistiques.

Abandonner le marché local au profit du marché francophone est certes une démarche très osée, mais très possible.

Adapter le marketing de niche et laisser de côté le marketing local

Les avantages du marketing de niche selon M Kevin Jourdan, fondateur de la marketplace d’achat et de vente de sites de niche Dotmarket.eu :

« Sur Internet, viser une niche, voire une micro-niche permet d’accéder à des marchés qui peuvent sembler « intouchables » de par la multitude d’acteurs déjà en place ou la force de ceux-ci. Aucun marché n’est complètement étanche ou complètement satisfait par les forces en présence.

Il y a toujours une petite porte d’entrée à trouver, un segment de marché auquel apporter une réponse plus précise, plus qualitative, plus personnalisée. Bref, une niche !

Kevin Jourdan, fondateur de la marketplace d’achat et de vente de sites de niche Dotmarket.eu

Au fil des années, cette approche de marketing de niche m’a permis de me faire une place sur des marchés aussi concurrentiels que celui de la minceur, de la santé ou du SEO et de la vente de sites internet.

L’idée maîtresse de cette approche est qu’il est systématiquement plus intéressant financièrement d’être le leader d’une micro niche qu’à la traîne sur une méga trend… »

C’est quoi le marketing de Niche ?

Selon Alexa, Le marketing de niche est une stratégie publicitaire qui se concentre sur un marché cible unique. Au lieu de s’adresser à tous ceux qui pourraient bénéficier d’un produit ou d’un service, cette stratégie se concentre exclusivement sur un groupe – un marché de niche – ou sur la démographie des clients potentiels qui bénéficieraient le plus des offres.

De ce fait, si vous visez le monde francophone, votre différence dépendra de la niche dont vous traitez. Par exemple, vous pouvez-vous spécialiser sur une passion, un sport, une race animale, le jardinage, l’obésité, les addictions… Cette technique de niche vous aidera à vous démarquer du lot.

Prenons une niche par exemple : le Camping est plus développé en occident, mais est-ce une raison de ne pas le traiter ? Pensez-vous que vos objectifs ne seront pas atteints en vous attaquant à cette niche ? 

Avec un contenu de qualité et une catégorisation de votre niche (Tente de camping, couteau de camping, matériel de camping, matelas gonflable de camping, vous allez recevoir des visiteurs du monde entier ou du moins de la communauté linguistique : Canada, France, Belgique, Sénégal, Guinée, Suisse, Luxembourg… faites le calcul démographique et comparez-le à la démographie de votre pays. Il est préférable de faire une segmentation par niche que de faire du généraliste dans un lieu donné (pays, région…)

Le marketing de contenu (sémantique) : gage de conversion

Pouvons-nous continuer à adopter la technique du « sois belle et tais-toi » ? 

Une boutique en ligne bien conçue et avec des images illustratives de qualité est une finalité en Afrique, mais nous oublions que la sève nourricière d’internet reste la sémantique.

Cette dernière permet de référencer votre site internet (vos produits) sur les moteurs de recherche, mais aussi à convertir un prospect en lui fournissant toutes les informations dont il a besoin afin de passer à l’achat. Vous-vous êtes une fois posé la question à savoir pourquoi il y a toujours une notice dans les boîtes des produits que vous achetez ? Ces dernières fournissent toutes les informations dont un utilisateur a besoin afin de pouvoir utiliser son produit. 

Sur internet, la fiche produit remplace la notice. Donc, votre landing page doit contenir des visuels et du contenu rédactionnel permettant de décrire le produit de fond en comble. 

Nécessité VS luxe

Avant de se lancer dans un projet de e-commerce, il est souvent primordial d’étudier les habitudes de consommation.

Mais, avant tout, essayons d’éclairer la lanterne en vous expliquant sur ces deux termes.

Nécessité : tout produit nécessaire à la survie. 

Luxe : un gadget ou un produit dérivé à une passion ou un désir, mais qui n’est nullement nécessaire pour vivre.

Par exemple, le riz est un produit de première nécessité au Sénégal coté alimentation. Le ciment est un produit nécessaire dans le secteur de la construction.

Une dragée est un produit de luxe côté alimentation. Une décoration murale est un luxe dont tout le monde peut s’en passer. 

En réfléchissant sous cet angle, nous verrons que les produits indispensables pour la survie sont souvent vendus dans chaque coin de rue (chez les détaillants), donc faciles à trouver alors que les produits de luxe (pas indispensables) sont difficiles à trouver dans les environs. 

La question que nous devons nous poser est de savoir si un consommateur a vraiment besoin d’acheter un sac de riz en ligne et attendre quelques jours pour enfin être livré. Si l’option d’acheter ce même sac à la boutique du coin se présente, son choix est vite fait. 

Mais peut-il trouver une boite de dragée sur chaque coin de rue ? C’est là où le vendeur en ligne doit intervenir car le consommateur n’aura d’autre choix que d’attendre la livraison.

Le secteur des produits de première nécessité est déjà saturé. De plus, c’est un secteur incompatible avec la vente en ligne (problème de marge, urgent pour la consommation, périssable, marché déjà gagné par le commerce de proximité…).

Le User Experience ou comment fidéliser un client ?

Selon M Ernesto Hane, Digital Manager chez Agence Caractère  « l’Expérience Utilisateur ou encore UX est un thème essentiel dans l’E-commerce. C’est la somme des interactions et étapes qui conduisent un utilisateur du premier contact à l’achat final dans le cas du E-commerce. Cette expérience peut être très bonne ou très mauvaise et ne peut être évaluée que du point de vue du User, pas du business.

M Ernesto Hane, Digital Manager chez Agence Caractèr

En E-commerce une bonne expérience utilisateur est cruciale à la survie du business. Toute friction peut entraîner des pertes de revenus directs et des frustrations qui ne favorisent pas la fidélisation client. L’enjeu ici est tellement important que chaque étape est trackée et suivie pour voir où le site enregistre le plus d’abandons par rapport à l’objectif final de conversion. On aura compris donc que les Interfaces qui servent de boutiques en ligne soient pensées avec les besoins des Users en tête. 

Mais le UX ne s’arrête pas aux Interfaces, la gestion des livraisons, le packaging, le suivi des commandes font partie de cette expérience. Si une commande se fait sans friction en quelques secondes et que la livraison arrive avec quelques heures ou jours de retard, l’Expérience sera jugée mauvaise. Voilà pourquoi, les professionnels du UX développent des User Experience Mapping qui sont des outils qui permettent de scénariser et visualiser tout le parcours du client. Cette carte peut aller au-delà des interactions en analysant les motivations en amont qui peuvent conduire le client vers le Business. 

En E-commerce chaque interaction compte encore plus qu’en vente physique et cela rend le UX indispensable en vente ».

En lisant M Hane, nous remarquons qu’en matière de commerce en ligne, tout est centré sur la satisfaction client.

De la première visite sur la plateforme de vente en ligne à la livraison du produit, le commerçant doit tout faire pour que son client ne se sente pas frustré ou d’être d’une vache laitière.

De plus, le message que nous pouvons retenir est que la conversion du prospect n’est pas le but, mais la fidélisation afin d’espérer d’être recommandé ou d’avoir un avis positif pouvant impacter sur la décision des futurs visiteurs.

Lire aussi l’article : E-commerce: L’anarchie s’empare du secteur de la livraison express

En définitif, ceci est une brève étude de quelques éléments souvent négligés par nos professionnels du e-commerce, mais pouvant participer largement à l’émergence de ce secteur.  Confiance, choix de la niche, expérience utilisateur… sont les maîtres-mots pour espérer avoir un marché prospère.

Mamadou Moustapha Sarr

Digital and affiliate marketer

Spécialiste SEO

phatsarr@gmail.com

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